Yesterdays

Keith Jarrett

ECM/Universal – 2009
par Franck, le 11 avril 2009
8

"Si vous rencontrez les deux musiciens qui vous sont complémentaires dans le monde du jazz, pourquoi vous forcer à aller chercher ailleurs d’autres personnes avec qui jouer ?" Voilà qui a le mérite d’être clair ! Keith Jarrett ne se complique pas la vie. Ainsi assiste-t-on à la sortie, en 2009, d’un disque enregistré en 2001 avec ses deux complices Gary Peacock et Jack DeJohnette. Yesterdays a été enregistré en public en (quasi) totalité au Metropolitan Hall de Tokyo. Cet album est composé uniquement de standards du jazz, et plus particulièrement de l’ère be-bop : Charlie Parker, Dizzie Gillespie, Horace Silver ou Dexter Gordon. Yesterdays n’explore donc pas de nouvelles pistes mais  reflète l’amour qu’a le trio pour une des périodes les plus riches de l’histoire du jazz. Ce qui domine dans ces 9 titres, c’est la fraîcheur qui s’en dégage. Il suffit d’ailleurs d’entendre "Shaw’nuff" pour s’en convaincre: ces titres, qui ont déjà quelques décennies derrière eux, sont toujours d’actualité. Le trio y apporte un dynamisme et une sincérité remarquables. Jarrett et ses acolytes ne sombrent pas dans la routine et l’ennui. Ils s’amusent. Pourtant, après 25 ans de "vie commune", les trois compères auraient pu se contenter d’un set correct, mais sans plus. C’était donc mal les connaître.

"Yesterdays" est surtout le titre phare de Jerome Kern, grand compositeur de la première moitié du XXème siècle. Si "Yesterdays" est une ballade magnifiquement interprétée par Keith Jarrett et consorts, Jerome Kern est aussi connu pour avoir composé des comédies musicales dans lesquelles Fred Astaire apparaissait.  Yesterdays évoque le passé certes, mais le passéisme est loin d’être présent. Le trio rend hommage à ces grands compositeurs sans avoir pour autant un air béat qui les paralyse. L’album en tire ainsi une de ses qualités : l’équilibre. Il alterne moments enjoués, voire naïfs ("Shaw’nuff") et d’autres plus enclins à la mélancolie ("You’ve changed", "Yesterdays"). Toujours en place, le trio Jarrett-Peacock-DeJohnette est solide et ne laisse rien entraver la bonne marche de leur légendaire cohésion. Une telle stabilité mérite d’être entendue, et ce, plus d’une fois.