Violence Dimension
Conan

Ça peut paraître étrange pour un groupe comme Conan, mais leurs disques font finalement peu de bruit. Conan est juste là, simplement là, avec sa formule doom metal à mi-chemin entre l'hommage permanent – c'est du doom, après tout – et une couleur qui ne peut être que la leur. S'il est difficile de parler de véritable succès, il faut bien avouer que depuis leurs débuts extrêmement discrets, quoiqu’infiniment valeureux – si vous n'avez pas encore écouté Horseback Battle Hammer, ruez-vous dessus –, Conan a parcouru un sacré chemin, au point de faire aujourd'hui partie des meubles, d'une certaine manière. Pas du petit abat-jour Ikea, plutôt de la commode en bois de chêne qui pèse le poids d'un âne mort. On se retrouve du coup avec un septième album entre les pattes, qui arrive une fois de plus sans vraiment prévenir, et qui sera de nouveau écouté par les mêmes dopeheads. Rien ne change dans le royaume des Anglais, avec tout ce que ça implique au moment de le chroniquer.
Cette fameuse formule Conan tient tout d'abord dans le respect des codes éternels. On pourra l'évoquer de mille manières différentes, mais au final, toute cette discographie n'est qu'une relecture parfaitement maîtrisée de l'héritage laissé par Sleep et Electric Wizard. Ça n'étonnera pas grand monde finalement, car comme d'autres genres avec lui (on pense au post-punk et au death metal), le doom à tendance psychédélique et légèrement haineuse est une musique de genre, une vraie, de laquelle on ne dévie qu'avec parcimonie et toujours avec le risque d'être mal compris. Du coup, Conan ressort le cahier de charges pour écrire une énième œuvre de rock sombre, groovy et embrumée par les nuages de weed. Les riffs en forme de sacs de sable de cinquante kilos sur les épaules sont de retour, les ritournelles infiniment lentes et cycliques avec. Mais pas seulement.
Parce que si Conan est évidemment un des premiers de classe dans son genre, c'est aussi parce qu'il s'est positionné sur un créneau qui lui appartient : le doom de guerre. Une musique qui tient de l'hymne de bataille permanent, catchy et dynamique. Un appel à la baston qui résonne magnifiquement bien avec ce chant clair de général romain qui appelle à de lourdes chevauchées au milieu de l'armée ennemie. Et quand les Anglais décident de démarrer, c'est quelque chose. Une sorte de bulldozer qui trace sa route au beau milieu des corps qui volent. Du coup, pourquoi faire si long ? Qu'on se comprenne bien, Conan sait jouer un doom ultra dynamique, élégant et massif. Pourquoi dès lors rallonger toutes les séquences de deux minutes, à part pour le plaisir de sonner éternellement doom ? « Violence Dimension », « Vortexxion » (un jeu de drone de douze minutes, ressenti vingt-cinq), « Ocean of Boiling Skin » : autant de titres qui souffrent de longueurs pas toujours utiles, là où Conan a justement toujours brillé dans ses moments les plus concis – prenez Monnos et vous comprendrez toute l’efficacité du projet quand le groupe décide de ne pas se perdre dans un vortex temporel.
Bien qu’un peu perdu entre l'envie d'en dire trop par la répétition et la nécessité de tout casser dans des ruades de cimmériens, Conan n'en reste pas moins une machine à séduire si l'on s'en tient à une lecture classique du genre. C'est d'ailleurs l'éternelle frustration au moment de soutenir le groupe de Liverpool, qui possède en lui tous les attributs pour être parmi les plus grands, qui sort des bons disques de genre mais qui trouve toujours le moyen de ne jamais concrétiser l'essai totalement. Alors, qu'on se le dise, les fans du genre y trouveront suffisamment de viande pour s'en repaître avec tout l'appétit du monde. Les autres, vous pouvez retourner tranquillement écouter Dopesmoker et Dopethrone.