Ural Umbo

Ural Umbo

Utech Records – 2010
par Simon, le 18 mars 2010
8

La musique doom fait rêver. Elle fait rêver car derrière la lenteur de ses compositions et le nihilisme en trompe-l'œil de ses auteurs, c'est tout un imaginaire sombre et abyssal qui se décline dans ces longues messes noires. Mais si la musique doom fait rêver, elle aussi le don de faire vendre : car malgré leurs attitudes misanthropes, les grands seigneurs du genre ont su infiltrer les milieux les plus branchés afin de troquer l'impasse DIY pour accéder aux louanges des grosses machines promotionnelles. C'est peut-être aussi pour cela qu'on a tant de plaisir à vous introduire à cette jeune formation qu'est Ural Umbo, elle qui possède des arguments forts sans pour autant avoir le privilège de jouer parmi la cour des grands (on pense à l'énorme label Southern Lord).

Formé de Reto Mäder (que l'on retrouve dans des formations très proches telles que Sum Of R ou RM74) et Steven Hess (collaborateur de Pan American ou membre à part entière de Haptic, duo en vogue sur le sous-label de KrankyFSS), Ural Umbo urait pu être un frère de sang des formations phares du genre (on pense à Sunn O))) à KTL ou encore à Khanate). Mais si Ural Umbo ne peut résister à la tentation des guitares saturées et des longues tirades nocturnes, elle ne peut pas se détacher d'un passif électronique tout aussi torturé. Évoquant un amour sans borne pour les bandes originales de films d'horreur des sixties, les incantations du duo gagnent en force au moyen de manipulations de bandes magnétiques et autres articulations légèrement electro-acoustiques. Comme si Sunn O))) venait à la rencontre de Pierre Schaeffer pour une session de doom/ambient/post-rock diabolique.

Le tour du propriétaire est tout simplement grandiose : la forteresse est haute (pour l'avoir survolé dès les premiers titres) et imposante de sa lugubre apparence, les pièces y sont larges et étrangement aérées. De toutes parts on s'enivre d'un air noir et pourtant plus léger que l'air lui-même : on voudrait étouffer qu'on y arriverait pas. Les larsens organiques se mêlent aux déformations électroniques pour finalement atteindre un nouveau substrat, une nouvelle matérialité comme celle qui caractérise les ombres qui furètent ci et là autour de vous. De temps à autre, une percussion retentit sur les murs, qui se chargent bien de faire relayer l'information jusqu'aux plus hautes geôles de cet édifice de métal et de pierre; une clochette vient apporter une triste mélodie aux oreilles des dernières âmes en peine encore présentes. Bref on assiste à une cérémonie satanique qui tient autant de la complainte que de l'avertissement.

Les violences musicales les plus belles – du moins les plus immersives – sont celles qui sous-entendent un mal à venir et non celles qui violent l'auditeur de manière frontale. Dans ce jeu de la perversité assumée, Ural Umbo possède des arguments qui font de leur musique un véritable traquenard, un jeu de pistes macabre (ou qui tend à le devenir) aux sentiers libertins, flous et subtils. Derrière la brume se cache donc un piège à loup qui ne se déclenchera jamais mais qui demeure comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l'étourdi qui ne prendra jamais assez de temps pour observer l'endroit où il pose le pied. Ural Umbo est un mal qui rôde, une patrouille dans l'air qui scrute le moindre de vos mouvements pour vous saisir en traître dans un coin sombre. Alors vous disparaitrez comme vous êtes venus : sans faire de bruit et sans comprendre pourquoi. Punaise c'est bon d'avoir les boules!