tentacle

Yellowstraps

Haliblue Records – 2023
par Yoofat, le 18 février 2023
7

Après deux projets riches en collaborations, le duo belge Yellowstraps change de cap pour tentacle : bien qu'Alban Murenzi soit crédité à la co-production d'une moitié des titres, c'est dans un élan solitaire que son frangin Yvan porte le projet. Une sorte de drôle d'entre-deux ou de transition pas frontalement assumée pour ces deux frangins souffrant d'une malédiction peu commune : tout ce qu'ils touchent devient beau. Déjà, dans leur façon de se tenir et de se vêtir, on a l'étrange impression qu'ils sont toujours sur le point d'aller enregistrer une session pour la chaîne Colors. Dans leur musique, c'est encore pire : leur malédiction à la Midas rend leur patte indescriptible et pourtant irremplaçable. A l'instar d'un SAMPHA, on finit par se convaincre que leur musique est habitée par autre chose que de simples instruments, que quelque chose de plus grand se cache dans leurs compositions.

L'esthétique de l'album est particulièrement belle - difficile de trouver d'autres mots pour la décrire - et davantage affirmée que par le passé. Ce quatrième effort depuis 2018 se veut donc plus personnel. Certaines pistes lumineuses égaient une production qui s'approche de l'intime; on pense à la grande déconnade qu'est "merci" avec Swing et Romeo Elvis ou encore à "smoove shit", petite douceur à la J Dilla qui porte si bien son nom. Ailleurs, on retrouve des codes inhérents au R&B, sans qu'ils ne sonnent trop clichés ou empruntés. On a donc des chansons plutôt sirupeuses et qui s'évertuent à faire de chaque sentiment amoureux un tableau aussi deep qu'un épisode de This Is Us, et c'est certainement de là que démarre cette créativité débordante.

Yellowstraps à la base, ce sont deux frères nés au Rwanda, qui ont grandi en Ouganda avant d'atterrir au Plat Pays. Ce sont aussi deux grands fans de King Krule, et surtout de la manière dont le chanteur anglais navigue entre les styles tout en conservant son authenticité. Quand on sait cela, il va sans dire que leur musique ne souffre d'aucune concession, d'aucune barrière. C'est cela, sans doute, qui fait de tentacle un objet intriguant dans sa forme, où aucun morceau ne ressemble au précédent.

Le R&B très moderne que propose Yellowstraps évoque parfois l'atmosphère vaporeuse de certains crooners d'OVO comme dvsn ou Majid Jordan. Mais cette modernité n'empêche pas une certain forme d'artisanat. À l'instar d'un Arma Jackson, on perçoit un côté DIY dans cette musique, probablement faite par peu de mains, mais des mains expertes. On les sait proches de l'Or du Commun, de Roméo Elvis ou du producteur Le Motel, des entités qui ont su se distingués par la collégialité de leur musique. Côté collégial, le rappeur Sam Wise n'est pas le dernier venu, puisqu'il est invité par un grand nombre de ses confrères d'Angleterre et d'ailleurs. La connexion est donc parfaitement logique et donne vie à "flowin'", l'un des morceaux les plus forts de l'album, notamment grâce à ce grand refrain torturé d'Yvan. "Love is a torture", ce joli mantra prend forme dans un clip où tout est détruit sans véritable raison, mais jamais sans être stylisé au préalable. Tout ce qui gravite autour de Yellowstraps devient beau, on vous dit. 

Le goût des autres :