Tape I

Glim

Room40 – 2025
par Simon, le 4 février 2025
7

Bientôt cela fera vingt ans que je chronique des disques. Dans ces deux décennies il y a eu évidemment des phases plus creuses et des phases absolument hautes. Dans ces dernières, il y a un tel désir d’écrire et de partager sur la musique que je pourrais passer mes journées (et c’est d’ailleurs le cas) à chercher des disques à chroniquer. Quand l’actualité clinquante et bruyante ne me donne pas immédiatement mon compte, je me fais le philosophe des bas-fonds et je vais trouver ma came là où elle est bonne. Et, croyez-moi, en presque vingt ans je sais aujourd’hui aux portes de quelles pharmacies je dois frapper pour avoir ma dose. Et comme cette nuit c’était l’heure de l’insomnie, je désirais un disque solitaire, méditatif et immédiat. C’était chez Room40 que je devais me présenter. Avec la garantie que j’y trouverai bien de quoi ronger mon os, je pérégrinai donc dans le catalogue toujours incroyablement touffu de cette légende vivante qu’est Lawrence English – on aura l’occasion d’en débattre plus longuement avec la sortie à venir de son nouvel album, mais globalement considérez l’Australien comme une des consciences les plus abouties de l’ambient-jeu contemporain.

Ce sera donc pour Glim ce soir. Un projet relativement confidentiel, mené par un homme au parcours classique dans ce domaine – comprenez un diplômé en composition électronique d’une ville prestigieuse, Vienne en l’occurrence, qui passe sa vie à gagner une chiée de prix tout aussi prestigieux grâce à du sound design dans des milieux subventionnés. Et évidemment que les huit titres de ce Tape I sont à tomber à terre. De l'ambient relativement classique enregistré (ou édité) sur cassette qui donne à cette musique tout son lustre vieillot, son grain parfait, sa modularité inégale. Une musique intimiste et surtout incroyablement solitaire, qui crée un terreau remarquable pour l’introspection simple et profonde. Ici tout est terre-à-terre, dénué d’artifices grossiers et le lien entre la musique et son compositeur se révèle évident. Andreas Berger est devant nous, jouant avec une facilité déconcertante une musique de nappes magnifiquement patinée. Des manipulations electronica légères nous rappellent que cette musique n’est en rien automatique, que tout est une affaire de sensibilité et d’arrangements soigneux.

Tape I est donc une collection de compositions sans réelle séquence autre que son organisation onirique. Elle est là, offerte, et c’est déjà suffisant. Un disque tout à fait anonyme malgré la structure qui l’héberge (on est sur la collection digital-only du label), dont on est heureux d’avoir révélé l’existence, seul comme un atome perdu au beau milieu d’un monde de possibilités, d’offres et de demande. Exactement le genre de disque qui fait le sel de Goûte Mes Disques : circonstanciel et vivant, attendant l’occasion d’être écouté, apprécié à sa juste valeur et partagé dans la plus grande des humilités. Un disque sans histoire, qui nous rappelle avec discrétion ce pourquoi on aime la musique ambient une fois qu’elle est bien faite. Ca ne révolutionne rien, mais c’est très beau.

Le goût des autres :