Sunriser

Ken Ishii

E-BEAT Records – 2007
par Simon, le 8 octobre 2007
7

En bon pilier incontournable du Japon électronique qui se respecte, Ken Ishii n’a plus rien à prouver de sa science du rythme, oeuvrant encore et toujours dans ce créneau techno qu’il a lui-même façonné avec perfectionnisme au cours des années 90. Je dis bien « toujours » car cette foi vouée aux combinaisons binaires semble inaltérable. Et pour cause, le Nippon adopté rapidement par Detroit n’a cessé d’entretenir la légende de cette techno mécanique groovesque au possible. L’annonce d’un retour à des projets plus concrets avait donc de quoi ravir une large tranche de vieux fans de la première heure, ceux-là même qui pouvaient se vanter d’avoir découvert la techno avec les pontes du genre (Detroit, encore et toujours), loin du climat minimaliste en vigueur aujourd’hui.

Ken Ishii navigue encore un plus à contre-courant dans ces temps où les arrangements souvent squelettiques nourrissent des productions aux allures anorexiques, n’ayant de cesse que de rappeler les vertus bénéfiques de son régime frugal. Car le Japonais, lui, aime nous rappeler qu’il vient de cette école où l'on préfère toujours délivrer la techno avec ses grosses basses et ses synthés monstrueux. Fort de son univers singulier, celui-ci déroule toujours avec la même passion ses tracks composées par des arrangements directs mis en forme par une technique irréprochable. Les samples crépusculaires pleuvent par litres sur des nappes vaporeuses, et on prend sans difficultés ces productions coincées entre dancefloor survoltés et charme romanesque (j’en tiens le sublime « Beam Skywards » pour témoin) pour argent comptant tant l’ensemble est pertinent sur la forme. Mais cette galette souffre affreusement du temps dans lequel elle est forcée d’évoluer et, là ou un Eddie Fowlkes a su à merveille adapter son discours sans pour autant se dénaturer, Ken Ishii manque cruellement d’audace pour plaire sur la longueur, la faute à une approche désuète du nouveau genre électronique. Maudite soit l’évolution, doit-il penser, même si le courage dont il fait preuve pour séduire son auditorat suffit à l’excuser presque entièrement.

Comme si cet empereur détrôné avait senti le vent tourner, son lever de soleil s’accompagne d’un album entièrement mixé par ses soins. Je vois déjà les amateurs se réjouir car, si l’enregistrement studio a de quoi décevoir légèrement, le talent du Japonais n’a de comparaison dans l’exercice du mix, qu’il s’agisse de déchaîner les salles combles ou les platines poussiéreuses. Un mix qui taille sous ses assauts répétés assez de bois pour tenir dans son entier l’hiver approchant. Une sélection impeccable qui fait la part belle aux talents d’hier, d’aujourd’hui et surtout de demain : Ortin Cam, le vétéran Jeff Mills, FLR, Oxia, Deetron, Pascal Feos et autres, autant dire un casting idyllique du genre tek-house ici réuni pour vous faire passer un moment autrement plus enthousiasmant que celui passé en compagnie du premier cd. La technique du Japonais met admirablement bien en valeur les bombes minutieusement sélectionnées par ce dernier, se rapprochant souvent d’un Angel Molina dans cette manière soignée de travailler l’enchaînement de tracks monstrueuses .

Un package conseillé aux fans inconditionnels du gros son américain ou du mix démentiel, ceux-là prendront un plaisir certain à s’attarder sur le contenu en présence. Les autres passeront peut-être leur chemin mais, comme dit plus haut, ce Japonais n’a plus rien à prouver. L’honneur est sauf.