Solar Power

Lorde

Universal Music New Zealand Limited – 2021
par Ludo, le 17 septembre 2021
7

À l'heure du streaming, il est risqué pour un·e artiste de s'absenter complètement, et ce pendant presque 4 ans. Il y en a qui peuvent toutefois se permettre ce luxe, mais à condition que leur(s) album(s) précédent(s) aient rencontré un succès qui les empêcherait de tomber dans l'oubli. C'est le cas de Lorde, qui capitalisa sur les succès de Pure Heroine et Melodrama pour s'isoler du star-system et ne plus sortir de musique pendant pendant près de quatre printemps. Évidemment, une aussi longue absence à suscité des attentes démesurées auprès de son public, et la déception de certain·es n'a pas tardé à se faire sentir lors de la première écoute de Solar Power. Musicalement, le fait que l'album reprenne certaines influences du passé fut assez mal perçu par quelques un·es de ses fans qui saluaient jusqu'alors son avant-gardisme dans l''electro-pop mainstream. 

Plutôt qu'un manque d'inspiration, ce retour aux sonorités du passé semble l'envelopper d'un cocon pour se protéger des turpitudes du monde extérieur. Car bien que cet album soit musicalement et esthétiquement placé sous l'éclat de la lumière, les propos de ses morceaux sont en réalité beaucoup plus sombres. Alors que la Lorde adolescente se concentrait avant tout sur sa propre existence, la Lorde de 2021 tourne davantage son regard vers le monde extérieur, pour le meilleur – sa reconnection avec la nature de sa Nouvelle-Zélande natale qui l'apaise –, mais aussi et surtout pour le pire. Que ce soit lorsqu'elle parle de l'industrie musicale (magnifique « California »), de la crise climatique (« Fallen Fruit ») ou de la poursuite vaine du bonheur (« Mood Ring »), Lorde se montre particulièrement caustique. L'association entre une esthétique lumineuse et un propos plus sombre tend dès lors à transformer Lorde en une héraut d'un monde qui s'effondre. Et bien qu'elle s'en défende sur le tout premier morceau de l'album ( « Now, if you're looking for a saviour / Well, that's not me / You need someone to take your pain for you? / Well, that's not me » sur « Path »), elle finit par se moquer de ce nouveau statut dès le morceau « Solar Power » (« I'm kinda like a prettier Jesus »).

Pour résister à ce marasme ambiant qu’elle semblait déjà fuir sur son morceau « Perfect Places », elle évoque les bienfaits de la weed et replonge de temps à autre dans une introversion plus délicate, comme lorsqu’elle parle de ses histoires de cœur ou de famille. « The Man With The Awe » et « Dominoes », centrés respectivement sur son compagnon actuel et un ex qu’elle surnomme Mister Start Again, s’avèrent particulièrement amusants à écouter grâce à tous les détails truculents que Lorde nous partage à leur sujet. « Secrets From A Girl » et « Ocean Feeling » sont également très touchants, puisque Lorde s’adresse à la jeune fille qu’elle était avant la sortie de son single « Royals », ce qui lui permet ensuite de rassurer son petit frère sur les incertitudes propres à l’adolescence qu’il traverse en ce moment.

Le tout s'écoute bien car plutôt bien produit et cohérent, avec un travail impeccable sur la voix de Lorde et un souci du détail qui fait toujours la différence. Par cette richesse musicale et l’impact de son propos, le chant plus posé de Lorde réussit toujours à nous galvaniser sans tomber dans les torpeurs de Clairo, laquelle bénéficie également des productions de Jack Antonoff. Certes, cet album ne récoltera probablement pas le succès mainstream de ses deux précédents disque, mais ravira à coup sûr le cœur de ses nombreux fans qui pourront continuer à grandir à ses côtés pendant un nouveau cycle de quatre années.

Le goût des autres :