Remembrance EP

Suicideyear

Software – 2014
par Aurélien, le 24 septembre 2014
8

Entre petits gros de fond de classe, on s'entend bien : ce n'est donc pas un hasard si la connexion entre Suicideyear et Yung Lean est survenue l'an dernier, occasionnant l'implacable single "Hurt". Mais voilà, la tornade suédoise ayant tout dévasté sur son passage ave Unknown Death 2002, on a un peu oublié de reconnaître que derrière le wigga à bob il y avait surtout une équipe de losers magnifiques noyent leur chagrin de lycéens dans les bidouillages sur Fruity Loops. Si l'on a attendu cette rentrée 2014 pour parler de ce bon vieux Suicideyear, on a déjà pu constater que le mec sait comment avoir bon sur toute la ligne – que ce soit en reprenant Britney Spears ou en compilant ses meilleures instrus pour MC dépressifs sur l'excellent Japan. Quant à ce Remembrance paru sur le label de Oneohtrix Point Never, il satisfait à la perfection nos attentes de sadboyz.

Car si l'exercice est différent, la vibe qui l'a fait connaître, elle, demeure : tout en donnant une autre résonance à la musique de Suicideyear, elle continue d'évoquer cette délicieuse amertume qui lui a servi pour habiller les paroles de ses rappeurs de potes, de Memphis jusqu'à la Norvège profonde. Sauf qu'elle est ici plus lumineuse, plus romantique même, élargissant le champ de sa musique. La démarche n'est pas sans rappeler le premier album de Ryan Hemsworth: comme le Canadien, l'Américain ne se prive pas pour aller faire valser sa trap dans des contrées rose bombec qui renvoient à Dntel ("Hope Building A") ou aux b.o. de jeux Game Boy ("U S"), sans oublier de poker My Bloody Valentine avec une reprise vaporwave de leur "When You Sleep". Le genre de clin d’œil qui fait plaisir certes, mais finalement, là n'est pas le plus important. Ici, on préférera s'extasier sur la capacité du jeune beatmaker à convoquer l'émotion avec trois bouts de ficelles, quelques synthés chelous, et une 808 bien à sa place. C'est un peu comme si Lunice composait un album dans la chambre de son grand frère fan de post-rock.

Il est probable que Suicideyear s'affiche un peu plus franchement dans les mois à venir. Et vu la qualité de cette première aventure en solitaire, on se dit que c'est on ne peut plus mérité : avec ses huit titres impeccables, Remembrance est u carton plein doublé d'un ode à la danse de la traction en slow mo. C'est un plaisir adolescent qui ratisse large et nous plonge dans un bain de bass drum grondante et d'arpèges lumineux. Bref, tout à fait le genre de galette qu'il nous fallait pour dire au revoir à l'été et attendre le Unknown Memory du père Yung Lean, qui vient à peine de sortir.