Que Faire De Son Cœur ?

Eskimo

Eskimo – 2020
par Nico P, le 16 juillet 2020
8

Les arpenteurs de scènes parisiennes connaissent bien le visage et la voix de cette Eskimo, à défaut, malheureusement, de connaître sa musique. Marie, de son prénom, est en effet depuis plusieurs années un atout précieux au sein de formations désireuses de sublimer leurs compositions à l’aide d’une voix cristalline, d’une présence envoûtante, bref, d’un supplément d’âme pouvant leur faire défaut. Eskimo a pris son temps pour sortir enfin son premier album. La faute aux mêmes éternelles difficultés vécues par les musiciens et musiciennes de tous temps et de tous bords : trouver de l’argent, trouver un label, trouver l’inspiration. Le premier EP de la parisienne date déjà de 2016. Que Faire De Son Cœur ?, son premier album, arrive quatre longues années plus tard. Entre temps, elle aura regardé d’autres artistes ami(e)s prendre le devant de la scène (Halo Maud), attendant son heure. Elle est venue.

Première surprise, l’anglais n’est plus de mise, c’est désormais dans la langue de Molière et de Patrick Poivey qu'elle s’exprime. Bonne nouvelle, quand bien même là n’est pas le plus important. Bonne nouvelle d’une part du fait que certaines choses se disent mieux ainsi, d’autre part parce que nous avions le souvenir d’un accent mal assuré par endroits, et finalement, d’un sentiment de facilité. Rien de cela ici, Eskimo se met à nue, allant même jusqu’à écrire en japonais et en coréen. Ce n’est pas là simple fantaisie, exotisme. Eskimo est une chanteuse-monde avant d’être une chanteuse-mode. Elle s’ouvre aux autres. Autres qui pourraient grandement faire l’erreur de passer à côté de ces dix titres pop, rock et folk injustement peu mis en avant (l’album est sorti à la fin du mois de mars, nous-même n’en parlons ici qu’aujourd’hui), et qui pourtant, comptent parmi certaines des plus belles choses entendues durant cette première moitié d’année 2020. Une année sans aucun doute condamnée, définitivement pourrie, que la voix de Marie rend un peu plus supportable. Justement, cet album est à l’image de ces derniers mois, même si certaines chansons sont nées il y a plusieurs années. Inattendu. Foutraque. Bancal même. C’est aussi sa force. On ne triche pas. Marie chante la mélancolie, les âmes brisées, le froid, l’attente, le doute. La fragilité et tout ce qui avec. Les métaphores abondent, l’enrobage est volontiers lo-fi, là encore, bancal, lorgnant bien volontiers vers les expérimentations sonores fragiles d'une Kimya Dawson.

Sur sa page Facebook, qui de toute évidence ne compte pas assez de pouces levés, Eskimo écrit ces mots : “le morceau en japonais parle de la magnificence de la nature, peu importe dans quel contexte elle se trouve. La nature est toujours, à mes yeux, splendide. Même dans les lieux, les plus improbables, une petite fleur peut y pousser et j’y vois un grand espoir et une profonde joie”. Oui, tout cela est un brin naïf. Mais c’est de cette naïveté dont nous avons toutes et tous besoins, quand dehors le monde est laid et les gens tout autant. On ignore encore quoi faire de notre cœur, on sait en revanche que celui de Marie bat. Peut-être plus fort que le nôtre.