Post Self

Godflesh

Avalanche – 2017
par Michael, le 4 décembre 2017
7

Dans la catégorie des reformations qui n’ont pas fait trop bruit mais dont on devrait davantage parler, on peut sans conteste citer Godflesh. Si l’on réfléchit deux minutes à l'influence du groupe sur l'ancienne comme la nouvelle génération (on couvre un spectre de disciples qui va de Ministry, NIN ou Faith No More à Dälek, Vatican Shadow ou Pharmakon), on peut utiliser sans exagération l’adjectif « séminal » si souvent galvaudé. Aller puiser dans le hip hop, le métal, le hardcore, l’indus et les musiques électroniques dans l’Angleterre de fin de règne thatchérien n’était pas vraiment monnaie courant, et l'attitude ne manquait pas de couilles. Avec le recul on peut même parler de musique visionnaire tant l'hybridation des années qui suivront donneront raison au groupe de Birmingham.

Tout ça pour dire que Godflesh a plus que jamais sa place au sein de la scène noise actuelle. Après, c’est ce que l’on pensait déjà il y a trois ans à l’écoute de l'EP Decline & Fall et de l’album A World Lit Only by Fire qui avait suivi. Peu de choses avaient changé et on avait l’impression d’avoir quitté le groupe il y a peu, sans que pour autant sa musique actuelle sonne datée. Trois ans plus tard c’est toujours notre avis à l’écoute d'un Post Self qui garde le même cap, décline les habituels attributs et reste fidèle à ce mélange de minimalisme des formes et de radicalité sonore. Peu de changements donc mais plutôt une subtile évolution qui tient essentiellement à des petits détails. 

Ces changements, on les ressent peut-être d’abord sur ce qui définit la signature sonore d Godflesh, c’est-à-dire ses rythmiques. Une part du génie de Godflesh tient à cette idée toute conne mais incroyablement efficace: découper et recoller des patterns implacables, directement hérités du hip hop de de Def Jam (Run-D.M.C. et Public Enemy en tête). Des sonorités choisies pour leur dimension implacable, presque nihiliste - un truc à la fois hyper martial et pourtant très rampant. Cette approche est toujours privilégiée sur ce huitième album studio mais on sent bien que Broadrick a laissé la vieille Alesis au fond du placard et a sensiblement diversifié la palette de sons, qui tirent désormais vers quelque chose de plus froid, de plus scintillant aussi. Là où autrefois on pouvait souvent penser à de la lave en fusion, on a désormais l’image de blocs de glace en mouvement. Ça vrille tout autant la gueule mais d’une manière moins directe, de la même façon que la pleine morsure du froid se manifeste à contretemps.

L’autre aspect sur lequel on sent aussi une petite évolution, c’est l’humeur générale de l’album, qui plonge moins l’auditeur la tête sous l’eau que par le passé. Les albums de Godflesh ont toujours été construits sur des suites de mantras étirés à l’infini, formant une espèce de mur sonore dont la densité n’avait d’égal que la violence, et qui sur long format ne laissait que peu ou pas de respirations. Post Self propose un ensemble de titres presque aussi violents mais dans lesquels pointent des changements d’ambiances, des tonalités parfois inédites (on pense par exemple à « The Cyclic End » et à son début brumeux et presque élégiaque). Il est difficile de parler de respirations ou de relâchement vu que la tension est toujours présente de bout en bout, mais elle se manifeste de manière moins unilatérale ou frontale.

Une évolution dans la continuité donc, ce qui n’est pas pour nous déplaire tant Justin Broadrick décline ses penchants plus mélodiques ou électroniques sous ses autres alias. Godflesh reste donc avec Post Self une valeur sûre, qui ne se pastiche pas et défend crânement la radicalité immuable de ses partis pris sonores. On ne peut malheureusement pas en dire autant de tout le monde.

Le goût des autres :