Peach Panther

RiFF RAFF

Neon Nation Corporation  – 2016
par Ruben, le 14 juillet 2016
6

Un costard trois pièces couleur barbe-à-papa, une Rolex monstrueuse, d'énormes grillz et une créativité capillaire qui renvoie Paul Pogba à ses chères études sont autant d'attributs qui définissent le personnage de Peach Panther, totalement assumé par RiFF RAFF, emcee controversé et espèce d'anomalie dans le rap US qui accumule les alias plus loufoques les uns que les autres - Jody HiGHROLLER, Kokayne Dawkinz, The Freestyle Scientist, Jody 3 Moons, Iceberg Simpson, Neon Icon, ou encore Versace Python.

Le second LP de RiFF RAFF s’ouvre sur un freestyle totalement bordélique portant le nom de l'album et dont l'objectif semble clair: on va ici entendre le meilleur du pire. En effet, écouter Peach Panther, c'est accepter de se faire exploser les tympans par des lignes de basses nourries aux hormones de croissance. Des agressions soniques qui se révéleront être l’unique élément permettant à l’ensemble de la tracklist de ne pas s’effondrer dans un brouhaha incompréhensible de paroles insensées. En effet, ce n’est pas comme si depuis son Neon Icon de 2014 RiFF RAFF avait ouvert un dictionnaire pour développer son vocabulaire. Bien au contraire, les punchlines saugrenues s’enchaînent plus rapidement que les three pointers de la machine à marquer Stephen Curry. Morceaux choisis:  « My children growing up to be professional snapchatters », « Gave you a Swedish massage in my seven car garage » et « Codeine castel, I got a pool full of mermaids ».

Logiquement, on pourrait penser que ce nouveau long format a tout de la catastrophe industrielle, pourtant RiFF RAFF parvient à miraculeusement caler son flow sur l’ensemble des instrus et l’enchaînement de couplets délirants entrecoupés par des refrains plus ou moins accrocheurs permet d’avancer dans le disque sans jamais avoir envie de jeter l'éponge sur un facepalm déprimant. Preuve de cette efficacité intrigante, le type parvient à nous faire apprécier « Syrup Sippin’ Assassin » sur lequel il se contente de répéter 13 fois le refrain – « I sip syrup/Keep ballin'/I sip so much codeine I'm 'bout to fall asleep ». De même, la reprise du mythique « I have a dream » de vous-savez-qui sur « Only In America » semble totalement déplacée mais, encore une fois, RiFF RAFF parvient à nous faire gober le tout.

Sans grandes surprises pour ceux qui connaissent un peu la personnage, Peach Panther propose son lot de bangers visant à étourdir l’auditeur histoire de masquer un manque de créativité musicale évident. Ainsi, on retrouve un refrain bien gras du Trap God Gucci Mane en personne sur « I Drive By » ainsi qu’une apparition de notre chouchou Danny Brown, toujours aussi délirant – « N*gga not no role model, but I like to roll with models ». L'unique vulgaire raté du disque concerne l’intervention de G-Eazy sur « Mercedez » : le beau gosse d’Oakland est bien trop propre sur lui pour justifier sa place sur un projet qui transpire le purple drank et la codéine.

L’écoute entière du disque nécessite donc de totalement débrancher son cerveau histoire de digérer les 12 pistes. Dans le cas contraire, l’accumulation des instrus lourdement infrabassées et des punchlines débiles du rappeur de Houston vous causeront sans aucun doute un grave AVC. Tel Eminem qui, en 2004, enfilait le costume de Slim Shady pour pondre « Rainman » et finir sur un « I just did a whole song and I didn’t say shit », RiFF RAFF balance un album qui ne raconte absolument rien. Peach Panther, c'est un éloge du vide en forme d'énorme défouloir qui se laissera apprécier par l’auditeur qui dispose d’un second degré suffisamment développé pour résister aux turbulences provoquées par les pitreries d’un artiste étrangement fascinant.