Oestrogenèse

Circé Deslandes

Nuun Records – 2015
par Yann, le 15 avril 2015
7

J'ai connu Circé Deslandes dans une autre vie. A l'époque, j'étais community manager du label de crowdfunding sur lequel la demoiselle, qui se faisait alors appeler Cécilia H, avait sorti un premier deux-titres. C'était il y a longtemps, et un des morceaux étant bien foutu ("Pour oublier"), j'ai continué à suivre les pérégrinations musicales de la jeune parisienne. Quelques années plus tard, après un changement de nom et une évolution sonore notable, voici qu'elle nous sort un Oestrogenèse, qui se rapproche davantage d'une collection de titres produits tout au long d'une gestation que d'un disque conçu comme un album.

Il y a quand même des bases communes, en particulier l'écriture. Circé Deslandes parle de sujets qui relèvent de l'intime (la sexualité, la mort, le rapport homme/femme) avec une certaine distance: on est rarement dans l'émotion (à part peut-être sur "L'incommunicabilité"), sans tomber non plus dans la philosophie. Par un style poétique un peu désuet, les textes placent plutôt l'intime dans un autre monde, qu'on ne peut qu'effleurer par moments. C'est toujours déroutant, parfois réussi ("Allo", "Je ne suis pas dépressive", "Pour oublier"), parfois maniéré ("Mon ventre est un caveau", "Exquis cadavre"). De la même façon, l'interprétation théâtrale des textes, si elle permet une unité dans un album qui en a besoin, crée une distance supplémentaire qui peut rendre le disque peu facile à aborder, en plus d'être parfois peu pertinente.

A côté de cela, les arrangements reflètent beaucoup plus les époques et les collaborateurs différents. On retrouve aux commandes du disque Kid Loco (assez représentatif du trip-hop made in France), aidé par Yan Péchin habitué à poser ses guitares sur de la chanson (notamment pour Bashung et Brigitte Fontaine) et Marc Collin (producteur de Nouvelle Vague). Si des efforts ont été faits afin d'uniformiser le tout, il faut bien admettre qu'entre un "Testostérone" au son à l'origine plutôt "indus", le très gainsbourien "Lolita" et le trip-hop solaire de "Où est le soleil" n'ont pas grand-chose en commun.

Malgré tout cela, le projet tient la route. Il reflète l'identité d'une artiste qui a finalement fait peu de concessions, pris des décisions parfois contestables, et a refusé l'eau tiède pourtant souvent nécessaire si on vise le succès radiophonique. On sent un album dont l'auteure a d'abord voulu être fière et qui réussit malgré tout à offrir quelques bons moments. À placer aux côtés des premiers Emilie Simon.