Never Exhale
DITZ

Le post-punk vit très clairement de belles années. Mais si certains groupes brillent sous les projecteurs, il ne faudrait pas oublier que d'autres grouillent sous une lumière sombre et dans une atmosphère suffocante. Never Exhale de DITZ en est un parfait exemple. Si tant est qu'il restait un minimum de joie dans le post-punk, on peut facilement considérer que ce deuxième album du quintet de Brighton vient d'écraser ses Doc Martens sur les dernières braises. Les 38 minutes qui composent Never Exhale pèsent une tonne, les 10 morceaux forment un monolithe à travers lequel aucune lumière ne passe. Aucune mélodie à laquelle se raccrocher et un malin plaisir à bousiller le peu de structure mise en place. Voilà comment DITZ s'y prend pour produire un disque à l'atmosphère écrasante, parfois macabre mais terriblement attirante.
D'ailleurs, comment expliquer la fascination pour le macabre qui semble prendre de plus en plus de place ces dernières années ? Les séries et les films sur les faits les plus sordides rencontrent des audiences de plus en plus grandes et toutes les plateformes maquillent l'horreur pour la rendre présentable. Alors dans un monde où tout doit briller, DITZ est là pour nous rappeler que certaines choses sont sombres par nature et qu'il n'y a nul besoin de faire comme s'il en était autrement. Never Exhale est un disque direct, dépouillé d'artifices. Porté par une basse omniprésente au son lourd et brutal, Cal Francis a toute la place pour élever chaque morceau par sa voix éraillée. À l'instar de ce que Dara Kielly fait au sein de Gilla Band, le chant de DITZ oscille entre chuchotements et hurlements sans aucune prévisibilité. La tension grandit sur chaque morceau et ne mène quasi jamais vers le momentum qui permettrait d'expulser toute cette pression. "Space/smile" sonne comme une fuite vers l'avant vouée à un échec certain. Quant à "Smells Like Something Died In Here", tout est dans le titre. "Taxi Man" fait office de single mais c'est probablement parce qu'il est le seul morceau à avoir un semblant de structure à laquelle on peut se raccrocher. "Senor Siniestro" et "God On A Speed Dial" sont à nos yeux les morceaux les plus intéressants dans la proposition post-punk noisy qui fait la particularité de DITZ. Et il faut également placer une mention spéciale à "britney" que le groupe présente comme "comparable à Radiohead ou Mogwai". Sans être certains de bien les suivre sur ce coup-là, on doit bien avouer que ce dernier morceau, aussi le plus long, est peut-être le plus abouti car le seul contenant un début, un milieu et une fin toute en apothéose.
DITZ avait un plan pour Never Exhale. Se rendre à Rhode Island et prendre le temps d'enregistrer l'album. Mais la possibilité de tourner avec IDLES a bousculé ce beau projet. Selon les mots du groupe, "le résultat est un disque durci par la pression de sa propre fabrication. Un album travaillé mais pas aimé." Et c'est là toute la vérité d'un projet aussi convaincant. L'imprévisibilité et la pression donnent finalement une œuvre en parfaite cohérence avec le processus créatif. Un inconfort pour le groupe qui permet pourtant au post-punk de repousser encore un peu plus loin ses limites et qui permet surtout à DITZ de dessiner les contours d'un univers plus dangereux.