Music From The Merch Desk (2016-2023)
Aphex Twin
De mémoire de chroniqueur, je ne me suis jamais infligé une première écoute aussi douloureuse que celle de Music From The Merch Desk (2016-2023). Pourtant des disques de merde je peux vous dire que j’en ai eu mon lot à me taper à la rédaction. Et même si je n’attends plus rien d’Aphex Twin en 2024, la tentation est trop forte de voir ce que Richard James à encore à proposer à une audience qui lui fut fidèle jusqu’ici. Le Richard D. James Album, la série Analord, tout le contenu sur R&S, la légende et sa mythologie nous auront donc amené à ce Music From The Merch Desk (2016-2023) en forme de jam session interminable, passablement inutile et il faut le dire… horriblement chiante.
Faute d’albums véritables depuis Syro (au mieux quelques EP’s tout mous issus de sessions d’enregistrement), notre légende en chef décide d’éditer et de publier 38 morceaux d’acid house à la bonne funkette originellement pressés sur des vinyles vendus en guise de merch lors de ses concerts aux quatre coins du monde. Au moment précis où j’écris ces lignes me vient une telle flemme d’aller plus loin qu’on va arrêter de causer et on va essentialiser. MFTMD (je suis même vanné d’écrire ce titre horrible en entier à chaque fois) est une collection impossible à encaisser sur la durée, non seulement pour ses cent cinquante-six minutes de longueur, mais simplement parce que tout est ici paresseux et mijote à la température du bain-marie. Aphex Twin, de son propre aveu, n’a jamais aimé sortir d’albums, et c’est tout à son honneur. Aphex Twin fait la musique qu’il aime et vit la meilleure vie possible : ses dates à 200k font sold out partout et la marque semble être là pour durer un siècle.
La plupart de ses collègues de label connaissent également une évolution de carrière en dents de scie mais malgré tout, ceux-là tentent de se raccrocher au wagon de devant tout en se faisant plaisir. Ici Richard James ne tente rien, il est le niveau zéro de l’implication. Et une fois de plus, d’une certaine manière, il a raison. Pourquoi s’emmerder à sortir autre chose que ce MFTMD - même l’abréviation commence à me bourrer le mou – quand il sait que son public n’écoute même plus ses disques pour des raisons musicales ? Autant passer de l’autre côté de la barrière : en balancer un maximum pour cacher le fait que ce n’est même pas la peine d’y chercher quelque chose de bien, pondre une pochette rigolote et servir ça tiède dans l’anonymat des plateformes de streaming. C’est ça le Aphex Twin de 2024 : une machine à vivre sur des happenings, à vendre du papier au détour de petits coups médiatiques. Des petits coups pour des tout petits disques.
Aphex Twin, en tant que musicien, n’a plus vraiment d’intérêt depuis Drukqs, et ce n’est pas très grave. Il est devenu une marque qu’on porte comme un tee-shirt Nirvana ou comme une veste en jeans avec des patches Iron Maiden ou Black Sabbath. Il est devenu une musique de normies qui s’en foutent d’appréhender les choses en surface, de prendre le train en retard. Il est une donnée sociale, il fait partie du paysage, il est là et il fait en sorte qu’on ne l’oublie pas. Il est libre de sortir des disques de merde, libre de s’en branler de tout. Et il l’a bien mérité au fond. Du coup pourquoi se plaindre que ce MFTMD soit autre chose qu’un buffet moules à volonté du Lunch Garden ?
Cette chronique toute éclatée va néanmoins servir à quelque chose, je ne repartirai pas sans rien. Maintenant que j’ai votre attention et que je vous cause de musique électronique, ne manquez pas d’écouter le dernier disque de NEBULO. C’est une merveille d’équilibre et de composition et ça nous ferait presque oublier que l’IDM est en état de mort clinique dans ses sphères hautes. Foncez sur ce Gobelin Stitches sorti sur EVEL, vous me remercierez plus tard. Je vous l’ai mis en lien juste en-dessous, comme ça personne n’ira écouter le dernier Aphex Twin.