Living With War

Neil Young

Reprise – 2006
par Jeff, le 11 juin 2006
9

Il ne fait pas bon vivre en Amérique depuis l'élection de George Bush en 2000. Aussi, il est de bon ton pour tout artiste votant Démocrate ou, plus généralement, pour tout artiste ayant une aversion pour "Dubya" et ses délires va-t'en-guerre d'y aller de sa petite remarque cinglante au premier évènement médiatique venu. Ils sont néanmoins nombreux à se cantonner à une pique judicieusement placée à l'occasion alors que les œuvres profondément engagées se font plutôt rares.

C'est justement en réaction à cet immobilisme que Neil Young (qui est Canadien faut-il le souligner), moins d'un an après un Praire Wind bucolique et magique, s'est décide à ressortir sa plus belle Les Paul, rebrancher son ampli et partir en croisade contre l'administration Bush et toutes les dérives dont elle a pu se rendre coupable en six années de règne autoritaire. Pour ce faire, le Loner a vu petit et grand à la fois: petit en optant pour une formule dépouillée (mais diablement efficace) guitare-basse-batterie et grand puisque c'est accompagné d'un chœur de cent personnes qu'il entonne les dix brûlots que compte Living With War.

Avec des titres aussi explicites que "Lookin For A Leader" ou "Let's Impeach The President", Neil Young définit clairement les règles sur son terrain de jeu de massacre: la langue de bois y est proscrite et Bush et ses faucons vont être de la revue pour une volée de bois vert en bonne et due forme. Certes, Neil Young ne nous apprend rien que nous ne connaissions déjà en parlant sans ambages de sujets aussi controversés que le bourbier irakien, la corruption des plus hautes sphères, les ravages de l'ouragan Katrina ou la consommation effrénée, mais en enrobant le tout d'un rock rageur et basique (qui évoque par moments la collaboration avec Pearl Jam sur Mirroball), il est impossible de douter de la sincérité du propos. Il y a bien cette voix qui montre des signes de faiblesse dès qu'on lui en demande un peu trop (sur "The Restless Consumer" notamment), mais le songwriter canadien peut compter sur le soutien d'une centaine de voix qui parviennent à atteindre des sommets de puissance et d'émotion sur un titre comme "Living With War".

Concept album, réaction épidermique (qui on l'espère en entraînera d'autre de cet acabit) ou exercice périlleux sont autant de termes qui peuvent être utilisés pour qualifier un disque particulièrement réussi qui prouve une nouvelle fois que le temps n'a décidément aucune emprise sur l'incommensurable talent de Neil Young.