Let The Night Roar

King Cannibal

Ninja Tune – 2009
par Simon, le 29 janvier 2010
8

Après un rapide passage dans l’émission hebdomadaire de Mary Anne Hobbs (qui l’avait vu réaliser un mix en versus face au mythique Scorn), la destinée de King Cannibal s’est envolée vers des cieux on ne peut plus radieux : accueilli auprès de l’écurie Ninja Tune, ses productions ont été rapidement acclamées par les revues et webzines spécialisés voire carrément jouées par les héros dancefloor que sont Laurent Garnier (qui ne cache plus son amour pour le dubstep), Amon Tobin ou Erol Alkan. Et on les comprend.

King Cannibal est un concentré de violence dubstep, une machine à faire mal qui a bien digéré son passé drum’n’bass, ses regrets techno-dub ou encore ses velléités breakcore. Les ambiances sont post-apocalyptiques, les humeurs et les voix presque gabber (« Colder Still » en est le merveilleux exemple) : tout ici est vicié, rongé par la vermine et dominé par une toute-puissance du beat. On comprend sans mal l’affection que porte le grand Amon Tobin aux productions de King Cannibal, car tout est ici léché mais débridé : un bouquet d’hymnes aux contours presque sataniques qui tabasse l’auditeur dans le sens du poil, n’hésitant pas à convier une poignée de ses potes terroristes au micro pour mieux enfoncer le clou bien profond dans les tympans (les omniprésents Jahcoozi, Daddy Freddy, Face-A-Face). Mais le coup de maître du Roi Cannibale est finalement de ne jamais sacrifier les ambiances et l’esprit d’évocation en élevant son art au rang des bourreaux dancefloor, et si on sue autant de peur que de fatigue c’est bien que l’Anglais est un maître de composition, qu’on aime ou non cette manière frontale de poser ses tracks.

Finalement, King Cannibal dépeint une Angleterre en 2150, touchée de plein fouet par des vagues successives de meurtres crapuleux, par des montées despotiques au pouvoir jusqu’à rétablir une nouvelle loi de la jungle. A ce titre, King Cannibal serait devenu le gourou d’une nouvelle mafia de racketteurs, craint et respecté de tous, chevalier d’un nouvel ordre féodal dont il serait le maillon supérieur. Et malgré ses apparences bourrues, ce roi du breakstep (certains parlent même de doomstep) s’avance comme le mélange parfait entre l’icône du film Hellraiser, Vex’d et The Bug, vif et rusé pour s’être glissé (et maintenu) au sommet de la nouvelle chaîne alimentaire urbaine, là où il ne connait aucun prédateur sérieux qui pourrait remettre son omnipotence en cause. Bref, loin des petites frappes qui minaudent (selon lui) à se la jouer dubstep conscient, King Cannibal pose ses instruments de torture sur le billard et nous lâche un grand disque, exemple-type de la possibilité de superposer déblayage sonore intensément dark et maestria en composition. A écouter.