Le Martinet

Mimmo & Hirschmann

Ritmo Fatale – 2021
par Louis, le 17 avril 2021
7

L’appellation « techno indus », accaparée par une scène berlinoise parisienne (Shlomo, Inhalt Der Nacht, Nene H.) aux qualités évidentes, mais sans lien avec la musique originellement qualifiée d’industrielle, sied parfaitement à l’esthétique du premier album sorti sur Ritmo Fatale : Le Martinet de Mimmo & Hirschmann se pare d’influences EBM (electronic body music) maîtrisées, d’une atmosphère suave faite de textures métalliques et de dirty-talk à donner envie de rapports charnels dans une usine désaffectée.

Le disque étend le spectre musical du label tout en trouvant sa place dans l’univers de la maison toulousaine. Les deux premières various artists avec des gens sûrs comme Pablo Bozzi, Arabian Panther (producteur d’origine libanaise militant pour la cause palestinienne) ou Djedjotronic offraient des morceaux aux sonorités marquées par la musique club de la fin des années 80 allant de l’italo disco à la new-beat, ou même aux tout premiers morceaux techno fraîchement européanisés comme le "Fahrenheit" d’Umo Detic. Ici, l’ombre de groupes comme Front 242 ou Liaisons Dangereuses, tout en irriguant le projet de tout un imaginaire, ne prend jamais le pas sur la forte teneur en techno des productions du duo de Bordeaux et Rennes.

Le premier titre au doux nom de "Danse Macabre" donne le ton, sonorités stridentes, rythme lent et intriguant, cris d’origine inconnue et invocations à se délecter de courbes corporelles (« montre-moi l’excellence des formes de son cul »). Dès lors, le plaisir de voir notre peau rougir sous les coups de cet instrument à lanières de cuir ne cessera plus, du titre éponyme, sorte d’enfant bâtard entre musique club déconstruite et déclaration d’amour à la scène industrielle européenne de la fin des années 80 début 90 au remix sur-tendu du mystérieux Filmmaker. L’évolution qu’entreprend Mimmo dans son utilisation de la voix séduit instantanément. Les cathartiques hurlements à la Giant Swan qu’il pratiquait avec Depht Mod - son trio rennais adepte de pérégrinations technos modulaires – ont laissé place à une voix davantage mélodieuse aux reflets lascifs. Soumis à débat, à variations selon les préférences et pratiques de chacun lorsqu’il s’agit du corps humain, le point G de l’album se situe sans commune mesure au niveau des quatre premiers morceaux, collaboratifs. La seconde moitié du projet, tout en ambiançant avec les honneurs, peine à maintenir l’intensité et l’hédonisme des premiers tracks.

Il n’empêche qu’à chaque nouvelle écoute le disque se révèle toujours plus riche, plus possédé par le désir de produire une techno qui se nourrit de ses origines. La multiplicité des ascendances pénètre chaque seconde du Martinet sans jamais te sauter à la gorge pour te signaler une quelconque érudition. Disque qui ne cessera de se bonifier avec les années, Le Martinet cristallise le dynamisme actuel des scènes locales, mais également la possibilité de se réapproprier et vitaliser un genre musical sur-codifié en évitant de se vautrer dans l’expérimentation tape-à-l’œil, et ce, sans jamais oublier de faire surgir en ces temps de corps immobilisés le désir primitif de danser.