In His Blood

Vacuous

Relapse Records – 2025
par Simon, le 23 avril 2025
7

À part le post-punk, existe-t-il un genre aussi marqué par son rapport à son histoire que le death metal? Comme ces gothiques embourgeoisés qui ressortent sans fin le même pastiche de Joy Division dans la grande usine à lignes de basse, les death metalleux n’en peuvent plus de se coller encore et toujours sur les modèles. Pas une chronique sans ressasser le rapport aux œuvres de Morbid Angel, Death, Obituary, Suffocation, Entombed, Autopsy, Deicide, Possessed, Incantation ou Pestilence – pardonnez ma non-exhaustivité usante, la liste pourrait aisément être triplée. Rien ne semble pouvoir émerger au-delà de cet horizon des évènements qui semble tout retenir dans son giron. Tournez-le comme vous le voulez, cette musique revient toujours se caler d'une façon ou d'une autre sur ces grands disques des pionniers. C’est sans doute le plus grand miracle accompli par le Absolute Elsewhere de Blood Incantation: au-delà de ses qualités de composition, il a réussi à avoir suffisamment de souffle pour sortir de l’orbite et devenir une référence pour lui-même. Et demain pour d’autres.

C’est d’ailleurs ce qui nous a titillé le goujon quand on nous a vendu le deuxième album de Vacuous : « Vous verrez, ces gamins crient même INTERNET dans leurs chansons ». Si cette anecdote est aussi vraie que conne, on tenait surtout la promesse d’un death metal fait par des gamins ayant grandi dans les 00’s, avec la lecture probablement moins respectueuse de la tradition. Et tant mieux, à vrai dire. Moins attachés à un cahier de charges qu’au développement d’une musique qui existe pour elle-même, Vacuous promettait d'être un grand coup de balai au beau milieu de ce qui reste malgré tout une des scènes les plus bandantes actuellement. Cerise sur le gâteau, c’est le très influent Relapse Records qui a eu l’honneur de signer ce In His Blood que tout le monde voyait déjà tout en haut des classements de fin d’année. Un passage en première division qui étonne un peu de la part du label américain, qui démontre peut-être sa volonté de trouver LE groupe essentiel de la scène death londonienne avant tout le monde. Peu importe les raisons, on ne peut que saluer cette décision qui stimule une prostate parfois rendue un peu paresseuse par tant de bonnes sorties.

Et ce qui est sûr, autant le dire d’emblée, c’est que si In His Blood ne remplit pas toujours l’intégralité du contrat de base, il reste un très bon disque. Ce deuxième album est tout d’abord un monstre de production. Les moyens deviennent américains et forcément les épaules s’élargissent avec. Cet attirail sonore va permettre à Vacuous d’assurer la base, à savoir produire un death metal extrêmement solide et… référencé. Si l’album commence avec une énergie très punk – et sur la version physique, avec un fracas qui fait plaisir -, il faut bien admettre que les deux premiers titres n’engagent pas vraiment la révolution qu’on nous avait vendue. C’est solide mais ça n’impressionne pas au-delà. Puis arrive « Hunger » et son hommage avoué à The Cure. Et là, ça prend une toute autre tournure. À partir de la première mesure de ce troisième titre, tout le disque prend une dimension insoupçonnée.

De la lenteur doom de la dissonance extrême, du post-punk un peu badant, du hardcore frénétique, du désespoir atmosphérique, Vacuous va tout te donner, jusqu’à quasiment te faire oublier que tu es assis sur un gigantesque volcan death metal en éruption. Jo Chen va se révéler être un vocaliste d’exception, tirant son groupe à un niveau d’excellence technique assez jubilatoire et incarnant ce personnage central avec une prestance toute naturelle. La production refuse de sombrer dans l’extrême, offrant un écrin parfaitement adapté à la somme conséquente d’idées qui jalonnent ce In His Blood – on rappelle quand même que le disque effectue sa rotation complète en trente minutes. Désormais totalement libérés de toute pression, Vacuous s’offre même le luxe de sortir un single surpuissant avec « Contraband », monstre death gavé au post-punk désabusé.

Et surtout, pris dans ce sinistre tourbillon, on en oublie toute référence à ce qui a pu exister avant cette écoute. La musique de Vacuous s’écoute pour ce qu’elle a à proposer, dans toute sa singularité et sa créativité. Si le pari était aussi de se mettre à un niveau permettant d’entrevoir un renouveau death, quelle que soit son obédience, alors In His Blood fait sa part du travail. En intégrant en peu de temps le cercle des groupes qui comptent, Vacuous réalise déjà une première performance solide. On croise les doigts pour que le groupe comprenne à l’avenir qu’il peut définitivement lâcher la rampe et accomplir son destin de manière totale, loin de toute comparaison avec quelque monstre sacré que ce soit.

Le goût des autres :