Hypnophobia

Jacco Gardner

Full Time Hobby – 2015
par Michael, le 27 mai 2015
5

Le poncif du deuxième album… Ce marronnier de la critique rock : l’équivalent du micro-trottoir au sortir des épreuves de philo ou du fourrage de dinde en période de fêtes de fin d’année au JT de 13h. Ce supposé Cap Horn au large duquel tant se seront noyés, perdus, effondrés et dont les discographies exhaustives de la presse ou de la littérature musicale se plaisent à narrer le contexte et la chute plus ou moins douloureuse.

Comme tout bon marronnier on vous le ressortira pour tout artiste ou groupe ayant sorti un premier album qui a fait l’unanimité et/ou surpris son monde sans qu’on l’ait vu venir. Notre petit Jacco fait partie de ceux-là, lui qui grâce à son Cabinet of Curiosities avait bondi sur notre platine ex nihilo. Un disque d’une fraîcheur rare où psychédélisme ne rimait pour une fois pas avec guitares fuzz et digressions soniques, mais avec préciosité des mélodies, structures gigognes et clavecins délicieusement surannés. En clair, plus un héritier des Zombies ou de Left Banke que des 13th Floor Elevators ou Hawkwind. Le psychédélisme champêtre face à celui des villes en somme.

Alors bon, évidemment, on ne pourra pas nous reprocher de l’avoir attendu au tournant celui-ci. Et sans tourner autour du pot pendant trois paragraphes, on ne peut pas vraiment dire que le passage du cap se soit déroulé sans quelques avaries. Il aura fallu écoper sec pour que le navire tienne bon. On ne cachera donc pas notre déception à la découverte de cet Hypnophobia qui ne joue certes pas la carte de la copie carbone, mais peine à trouver le second souffle.

Jacco Gardner aura voulu tester de nouvelles choses, ne pas reproduire bêtement la même formule, ce qui en soit est tout à fait louable. On ne peut pas vraiment dire non plus que cela ne fonctionne pas : le léger côté krautrock insufflé sur quelques titres, les instrus qui se rapprochent fortement d’un certain fantasme de la musique de film de la fin des années 60 au début des années 70 (François de Roubaix, Jean-Claude Vannier, ou certains scores de giallo de Morricone), tout ça se marrie très bien avec la musique du Hollandais. Certains titres font mouche et il n’y a pas grand-chose à redire dessus (« Find Yourself » notamment). Le problème est que, même si ça fonctionne, le tout manque souvent cruellement de substance. Les mélodies sont paresseuses, peu inspirées. Les arrangements assurent souvent le strict minimum alors que la production se veut bien plus ample que sur le premier album.

Est-ce le fait de ne pas avoir pris le temps d’enregistrer peinard pépère dans son studio comme pour Cabinet of Curiosities? D’avoir voulu aller trop vite? D’avoir fumé trop de shit? Difficile à dire, car au-delà de la déception relative pointe surtout la frustration de constater que si le gars loupe le coche, il aurait tout à fait pu y arriver. Il en avait les moyens, le potentiel, les capacités et c’est bien dommage. Il y a ainsi des albums dont on sait dès la première écoute que s’ils ne nous charment pas d’entrée, le temps nous permettra d’en apprécier pleinement les atours, et il y en d’autres dont on sait d’emblée que les écoutes répétées n’en arrangeront pas l’avis initial. Hypnophobia semble bien parti pour prendre la poussière et faire partie de cette catégorie. Ou comment passer de la Ligue 1 à la relégation en seulement deux saisons. Tristesse du supporter.