Gravity OST

Steven Price

WaterTower Music – 2013
par David V, le 18 décembre 2013
8

L'extase mystique de l'espace appartient aux admirables musiques couvrant les chefs-d'oeuvre de Stanley Kubrick et de Terrence Malick. La méditation sur l'infinité des dimensions et la nature profonde de l'homme se fait sous des arcs de pierre en écoutant des "Lacrimosa" ou en valsant avec légèreté sur un fond de Strauss. Dans le cas de Gravity, l'espace ne signifie qu'une et une seule chose : le territoire le plus hostile qui soit. Si la pauvre humanité a pu relever le grand défi de la conquête de la Terre au prix de tant de litres de son sang, et bien des milliards d'années-lumière cubes inexplorées peuvent en contenir bien plus, de sang humain, et c'est tout le sujet de l'admirable film d'Alfonso Cuarón.

Une mission spatiale est accidentée et deux astronautes vont mourir s'ils ne parviennent pas à regagner la Terre. Ça tient en une phrase et c'est un des monuments du cinéma. Devant le génie visuel et narratif, il fallait encore donner un son au tueur tridimensionnel silencieux à peine chauffé par le rayonnement à trois degrés Kelvin du souvenir de sa genèse. Il n'y a pas grand chose dans cette bande originale parce qu'il n'y a pas grand chose là-haut. Ou plutôt si, le là-haut est plein de souffles particulaires destructeurs, d'objets thermiquement infernaux, de sournoise masse indétectable. De silence. On retrouve tout cela dans les pistes sonores, tout ce qui peut nous remplir à nouveau de l'angoisse insoutenable de crever dans la solitude intersidérale.

L'échec commercial de la technologie 3D dans les maisons étant patent, c'est ce disque qui devient le seul truchement pérenne de l'émotion créée par le choc cinématographique. Les crachats électroniques pratiquement sourds et les vrombissements peuvent ramener au cerveau de manière parfaitement convaincante cette sensation de mort par éloignement avec le berceau terrestre. On écoute et on les sent dans les tripes ces azimuts qui tournent indéfiniment autour de la frêle Sandra Bullock alors qu'elle s'éloigne vers les confins de l'univers. Tout est obscurément triste et terrifiant jusqu'à la fin, jusqu'à ce que la pauvre créature retrouve enfin le sec, lorsqu'il n'y a plus que des voix qui montent en intensité et qu'elle peut planter fermement ses pieds sur le sol pour jeter un regard vers cet inconnu qui restera toujours à dompter. Vers les gigantesques mondes qui entourent le sien, le nôtre, et dans lesquels toutes les aventures sont possibles.