Gold
Scour

Une chose est sure : les gens de Nuclear Blast Records ont dû avoir bien bon quand ils ont vu débarquer Scour dans leurs bureaux pour la signature de ce premier album. Il ne fait d’ailleurs aucun doute sur l’arrivée des cinq fantastiques, uniquement possible sur une marche en slowmotion épique, façon embarquement des astronautes dans Armageddon - supplément plaques d’égout fumantes et perfecto en cuir calés au centimètre. Parce que, bon, ici, on a clairement quitté l’idée du supergroupe pour embrasser celle du casting Marvel. C’est presqu’absurde en l’écrivant mais dans la même pièce vont se retrouver des membres présents ou passés de Pig Destroyer, Cattle Decapitation, Agoraphobic Nosebleed, Nest, Misery Index et… Pantera pour composer un album long format. Parce que, oui, Scour est depuis dix ans le nouveau jouet de Phil Anselmo, chanteur sulfureux qui a un jour posé sa voix sur Vulgar Display of Power. Alors, les plus coquins le sentent déjà venir : oui ça va être super bien fait, et oui, ça va être un peu chiant.
Ce qui est sûr, par contre, c’est que ça va vendre de l’album par camions. Tout est d’ailleurs calibré ici pour pousser le disque au maximum : Nuclear Blast Records oblige, on a droit à un plan promo de dingue, avec singles en bonne et due forme, des clips et une production à l’américaine. Vu les retombées financières envisagées, rien ne peut être laissé au hasard. Et cette course au produit parfait, et bien elle va se répliquer sur la musique elle-même. Il ne fait nul doute que tous les membres du groupe ont apporté ici une petite partie de leur savoir-faire, au moins dans l’espace qui leur a été laissé par sa seigneurerie Anselmo, qui reste le directeur artistique du projet. Sur une bonne base de black metal, on y entend sans problème toutes les inflexions grindcore, thrash, death metal ou punk probablement importées par tous les musiciens dans la pièce. Et c’est peut-être le seul véritable coup de force de ce Gold surburné : réussir à unifier autant de sous-genres metal dans des titres qui ne dépassent jamais les quatre minutes. Cet effort de synthèse et d’équilibre demande un talent bien supérieur à la moyenne, on ne leur enlèvera pas. Le problème c’est que Gold c’est ça, tout ça, mais rien que ça. A aucun moment, le groupe ne semble être capable d’être autre chose que la somme de ses parts.
Les guitares et les batteries au millimètre sont bien aidées par une production maximaliste, Phil Anselmo déroule comme le gigantesque couteau-suisse vocal qu’il est (passant du growl death au chant éraillé black en une seconde) et le tout délivre évidemment beaucoup d’intensité, metal big room oblige. Mais cela ne nous fera pas oublier qu’il n’y a aucune véritable direction artistique ici, que ça n’a pas beaucoup de personnalité, que c’est tellement creux (on a quand même bien vibré sur « Infusorium ») qu’on se sent obligé de remplir épisodiquement les trous avec des interludes absolument inutiles et que derrière on fait tourner la machine à riffs. Une collection de titres qui ne raconte pas grand-chose, mais qui n’aura aucun mal à trouver sa place sur tous les line-ups de festivals de metal grand public cet été. Ça devait d’ailleurs être une bonne partie du plan de base, et ça n’a d’ailleurs vocation qu’à trouver sa place dans ce genre d’endroits. Un disque qui s’écoute d’une oreille pendant qu’on s’envoie des palettes de bières avec les copains et qu’on rigole de Riton qui revient d’un circle pit avec du foin dans les cheveux. Le metal utilitaire.