Fishing Blues

Atmosphere

Rhymesayers – 2016
par Ruben, le 8 septembre 2016
4

Les groupes ou collectifs de rap qui survivent dignement aux décennies se comptent sur les doigts de la main. Dans un petit monde du hip-hop US instable au possible, le groupe formé en 1989 à Minneapolis continue à balancer des albums à un rythme bisannuel à une fanbase assez conséquente - on dépasse le million de fans sur Facebook quand même. Contrairement à des débuts particulièrement sombres et abrasifs, Atmosphere est aujourd'hui une mécanique un peu trop bien huilée dont la survie tient à un rap léger, introspectif et aérien, totalement à contre-courant des tendances dominantes.

Et leur 11e LP n’échappe pas à la règle: Fishing Blues enchaîne, sans aucune véritable surprise, des pistes en mode storytelling qui se superposent sans vraiment se distinguer les unes des autres. Mis sur les rails par le travail de son comparse de toujours Ant, Slug ressasse les mêmes thématiques depuis Overcast! - ça tourne principalement autour des relations humaines, et tout ce que celles-ci peuvent générer comme merdes noires. Jouer le coup de la variation sur les mêmes thèmes n'est pas en soi une tare (c'est même ce qui permet de distinguer les emcees entre eux), mais dans le cas d'Atmosphere, plus les années passent et moins ça nous touche - qu'il est loin le temps des diamants bruts "Fuck You Lucy" ou "Complications".

Un exemple parfait de cet épuisement créatif est ici symbolisé par la piste « That Sh*t We’ve Been Through » qui ressemble à un copier-coller de « Wild Wild Horses » sur When Life Gives You Lemons, You Paint That Shit Gold. Ou à « Became » qu’on a pu entendre sur The Family Sign. Ou... Enfin, vous voyez où on veut en venir. Idem pour « Sugar », un son typique d’Atmosphere au rythme lent avec ces rimes qu’on a déjà dû digérer une dizaine de fois ces vingt dernières années. Ainsi, si les instrumentaux d’Ant manquent cruellement de punch et d’originalité, c’est surtout la prestation de Slug qui nous fait mal au fion - propre et gentillette alors qu'on a appris à l'aimer quand il rappait comme un mort de faim.

Alors certes tout n’est pas à jeter au bac pour autant et l’agréable « Next To You », porté par le refrain pop de l’inconnu deM atlaS, se laissera écouter une ou deux fois ; de même pour le couplet de MF Doom qui réapprend le métier de MC à Slug en décimant l’instru de « When The Lights Go Out ». Et sur un titre comme "No Biggie", on retrouve un Slug très en verve qui semble avoir rajeuni d'une dizaine d'années. Mais est-ce vraiment suffisant pour nous convaincre que Fishing Blues mérite une place dans nos playlist Spotify ?

Les fans de la première heure verront peut-être dans ce onzième album le prolongement cohérent de la discographie du groupe de Minneapolis ; les autres resteront très certainement sur leur faim et regretteront l'absence flagrante de gnaque, le manque de prise de risques et l'impression désagréable d'entendre trop souvent un projet en roue libre. Nous on se dit surtout qu'il serait peut-être temps pour cette (plus trop) fine équipe de passer à autre chose.