Eyes Open

Snow Patrol

Polydor – 2006
par Popop, le 21 février 2006
7

Peu de groupes parviennent à sortir indemnes d’un succès aussi soudain qu’inattendu. Comment gérer l’après, les attentes des fans, de la maison de disques - et tout ça sans renier son intégrité artistique ? D’où le syndrome Coldplay, synonyme de panique et d’impasse qui a vu les auteurs du très bon A Rush Of Blood To The Head oublier de composer le moindre titre digne de ce nom pour X & Y, disque creux et boursouflé au possible. Si ce cas est évoqué ici, c’est parce que le premier contact avec Eyes Open fait craindre le même revers : une production clinquante, des titres aguicheurs plus qu’accrocheurs, des refrains faciles – trop faciles même… Bref, ça brille trop pour ne pas être du toc.

Après tout, on aurait pu comprendre (à défaut d’excuser) la démarche de Gary Lightbody, leader happé par le succès du chouette Final Straw et de son fantastique single "Run". Après des années de galère, les Britanniques se sont réveillés du jour au lendemain parachutés chouchous des midinettes au cœur d’artichaut avec leur pop lyrique et épique. C’était trop beau pour gâcher tout en revenant à la pop lo-fi des deux premiers albums… mais ça ne pouvait pas non plus faire l’unanimité au sein du groupe. D’où le départ du guitariste et membre fondateur Mark McLelland et ce premier single too much, "You’re All I Have" - trop pop, trop brillant, trop produit, trop tout.

Mais malgré cela, malgré ses envies de soleil et de succès facile, Eyes Open est un disque au charme redoutable, un album aussi prévisible qu’entêtant, alternant les deux formats que le groupe maîtrise désormais sur le bout des doigts : la tuerie power-pop ("It’s Beginning To Get To Me", "Headlights On Dark Roads") et la ballade imparable pour laquelle le briquet semble avoir été inventé ("Chasing Cars", "Make This Go On Forever"). Ces chansons, elles sont tellement évidentes, elles sonnent tellement bien qu’on se demande comment Snow Patrol fait pour en aligner autant en 45 minutes sans jamais tomber dans la redite.

Et comme pour ne pas perdre entièrement pied dans cet ensemble taillé pour les stades, le groupe se fend de quelques titres presque discrets, presque subtilement produits – permettant de reprendre son souffle entre deux monuments sonores. L’un de ces titres, un duo avec Martha Wainwright n’aurait d’ailleurs pas dépareillé sur le deuxième album de The Reindeer Section - projet parallèle de Gary Lightbody malheureusement en stand-by depuis quelques années. Pas de panique pour la patrouille des neiges donc, juste une suite logique et souvent puissante qui devrait rencontrer son public sans trop de problèmes. Mais on a eu un peu peur quand même…

Le goût des autres :
4 Splinter