Demo 2005
Wolves In The Throne Room

Il y a donc vingt ans (déjà) sortait la toute première demo de Wolves In The Throne Room, dans une indifférence presque totale. Deux décennies plus tard, le groupe américain compte parmi les plus grosses références du black metal atmosphérique, de type cascadian pour être précis – comprenez la veine naturaliste, héritée du post-rock ou du shoegaze.
On célèbre donc ce bel anniversaire avec une réédition en bonne et due forme sur Profound Lore Records du tout premier objet officiel. Alors, les plus observateurs feront immédiatement remarquer que deux des trois titres de ce Demo 2005 figurent sur Diadem Of 12 Stars, premier album des Américains et que seul « Dagger of Amethyst Crystal » et ses douze longues minutes justifient l'investissement. Ce qui est sûr par contre, c'est que vous en aurez pour votre argent : avec ses cinquante minutes pour seulement trois titres – dont un « (A Shimmering Radiance) Diadem Of Twelve Stars » qui tape la barre des vingt-cinq minutes à lui-seul – Demo 2005 est un bloc extrêmement dense, naturellement taillé pour les écoutes contemplatives.
Ce que celles-ci font apparaître assez rapidement, c'est que même à leurs débuts, Wolves In The Throne Room faisaient déjà du Wolves In The Throne Room, à savoir un hybride entre la perfection formelle et l'impossibilité d'y croire tout à fait. Qu'on soit clair, on aime énormément le groupe, et rien ne pourra changer notre œil admiratif sur les Américains. Ils sont trop bons dans leur domaine pour qu'on puisse leur reprocher quoi que ce soit, et si le contenu de Demo 2005 est bien plus raw que tout ce qui suivra, la logique est la même : on coche toutes les cases qui font les grands disques du genre et on déroule. Et tant pis si c'est impossible de croire à leur souffrance (on a plus confiance dans la sincérité des grands élans naturalistes qui viendront par après), leur application d'éternels premiers de classe fait le travail à chaque fois.
Tout, mais absolument tout, est exécuté comme énoncé dans le petit manuel du disque de black parfait. Ça suce sans complexe tout ce qui fait le sel des meilleurs one-man-band du genre (Leviathan, Burzum et Xasthur), ça respecte le cahier de charges éternel et ça se paie une production négligée-mais-pas-trop. Et ça marche. Plutôt très bien, même. C'est juste extrêmement générique, novateur pour rien au monde (mais ça on s'en fout clairement). Personne n'y croit, c'est génial, un peu comme ces adolescents qui surjouent les gothiques uniquement pour attirer un peu l’œil des copains qu'ils n'ont pas. On sait d'avance qu'ils finiront en financiers de merde à cravate, ça ne les empêche pas de porter les dreadlocks qui puent avec une conviction qui force le respect.
Il y a donc plusieurs cas de figure qui se présentent ici : premièrement, votre amour pour Wolves In The Throne Room n'est en rien suffisant pour vous offrir un album dont deux titres sur trois vous sont déjà connus ; deuxièmement, vous êtes un fan hardcore du groupe et la question ne se pose même pas ; troisièmement, vous vous en battez la race et là vous ratez simplement une très bonne porte d'entrée pour découvrir ce que le black metal forestier et dépressif peut offrir de mieux. De notre côté, difficile de résister à l'appel de la brume. À vrai dire, on aime trop ça pour ne pas y aller. Et même si on a toujours le sentiment d'avoir en face de nous de sacrés poseurs, le black à ce niveau-là se déguste les yeux fermés. La dépression utilitaire : 6.5/10.