Cursed With A Blessing

Montana of 300

Auto-production – 2014
par Simon, le 14 janvier 2015
8

On avait profité de la sortie de l’excellent G.D.O.D.2 du Hustle Gang pour insister sur l’importance que revêt la notion de crew dans le rap jeu qui fait des gros sous, et ce sera le cas une nouvelle fois ici, sous un autre angle de vue, toutefois. Ce n’est pas difficile à concevoir: la taille et l’importance de ces équipes varient du titanesque à l’anecdotique – certains crews justifiant leur existence dès le premier featuring qui dépasse les 100.000 vues sur YouTube. Ce qui nous amène à parler de 300. Ici on ne vous parle pas du remake américain impérialo-nazi réalisé par Zack Snyder, où des G.I.'s de l’Antiquité tout en Photoshop tapaient sur la gueule de barbares homosexuels déformés, mais bien de ce gang de Chicago devenu collectif qui propose l’un des plus gros casting du game made in Datpiff : Lil Durk, Chief Keef, Lil Reese, King Louie, Lil Herb ou Lil Bibby. Excusez du peu. Et derrière cette team d’agitateurs se cache Montana, qui a rapidement dû comprendre l’intérêt de jouer la carte de l'affiliation avec le crew de l’Illinois (difficile d'établir la filiation ou non avec le crew en question, même si un paquet d'indices nous fait penser à une union officielle)  – le emcee ne se séparant jamais du suffixe « of 300 », comme pour justifier une quelconque légitimité auprès de son public local.

Pourtant, et vous le comprendrez rapidement à l’écoute de ce Cursed With A Blessing, Montana of 300 n’a de second couteau que le nom. Avec un Lil Durk ayant du mal à s’affirmer avec son Signed To The Streets 2, un Chief Keef qui multiplie les déboires avec son label et qui amorce une chute sans fin et un Lil Reese qui peine à dépasser le niveau de la mer (on épargne King Louie et Lil Herb, au sommet de leur art ces temps-ci), Montana of 300 ferait même office de chef de file au coeur de cette ville musicalement superactive. Découvert avec un « Chiraq » absolument terrifiant d’agressivité,  adoubé avec cet « Ice Cream Truck » qui n’en finit pas de cartonner et définitivement intronisé avec cette mixtape, il semble écrit que 2015 sera l’année de ce petit emcee devenu grand. Et pour tout dire, c’est bien mérité vu les qualités proposées ici : le flow d'abord, semblable à une vanne qui une fois ouverte n’en finit pas d’envoyer de la matière sans interruption ; l’agressivité ensuite; et finalement des parties chantées qui touchent parfois l’irréel pop.

Cursed With A blessing est long, très long même (80 minutes bien remplies), mais la présence de Montana of 300 remplit l’espace, transcende un attirail de prod’ classiques et gave l’auditeur de lignes bien senties, entre lumières pop et grosses barres à mine de truands. Tu rajoutes des tubes à la pelle (« Slaughterhouse », « Ice Cream Truck », l’ultra décalé « F*ck Her Brain Out », « Play Doe » et l’incroyable « Holy Ghost » avec son enregistrement volontairement moisi) et tu finis avec une mixtape de qualité supérieure. Et si elle aurait d’ailleurs pu finir dans notre récent top hip-hop de fin d’année, on se dit que nos chemins finiront sans doute par se recroiser.

Le goût des autres :