Beaus$Eros

Busdriver

Fake Four Inc – 2012
par Aurélien, le 30 mars 2012
7

Las d'écumer depuis quelques temps déjà les routes du double H indépendant, l'aventureux MC Busdriver a régulièrement pris un malin plaisir à rebrousser chemin pour assouvrir ses envies d'électronica et de pop - au grand dam d'une fanbase qui a souvent pris la tangeante vu les râtés parfois occasionnés. Nous, on attendait que le bougre nous livre enfin la pierre angulaire de ce virage prévisible mais délicieusement plaisant. Et si Beaus$Eros n'a pas la prétention de mettre fin à cette attente, celà ne l'empêchera pas de se montrer tout à fait attachant.

Devant ce beatmaking tout en claviers et en cassures rythmiques aux confins de l'IDM aride, difficile de ne pas rapprocher la démarche de Regan Fuaquhar à celle empruntée par Sufjan Stevens sur son dernier album: la recette ici appliquée par le belge Loden, à la charge exclusive de la production de ce huitième album du MC, fait elle aussi la part belle à un kaleïdoscope de rythmes et de saturations qui enchantent ses échappées pop, évocant un André 3000 qui se serait perdu dans les nappes boueuses d'Animal Collective. Et mine de rien, sous ses apparences assumées de fan-service pour hipster en herbe, l'homme au flow TGV s'en tire avec les honneurs dans cet exercice de style certainement pas exempt de fautes de goût - les lourdauds « Picking Band Names » ou « Beaus & Eros ». Plaque intégrale – sans doute la plus cohérente signée Busdriver depuis l'intemporel Temporary Forever – navigant entre dub aquatique (« Utilitarian Uses Of Love », « Electric Blue »), bombinettes synth-pop (« Kiss Me Back To Life ») et surprenants mastodontes pyrotechniques (« You Ain't OG », « Colour Wheel »), le voyage que propose Beaus$Eros est un éprouvant patchwork d'influences colorées que le MC s'éclate à toaster tout au long de ces quatorze titres moins originaux que solides qui achèvent de nous convaincre que lui et le rap n'ont plus grand chose, sinon rien, en commun.

Le ton est ici quelque peu aux regrets car en troquant son débit qui affole les radars contre un joli habit d'indie popstar, Busdriver en oublie évidemment d'être aussi incisif que d'ordinaire. Galette sans concessions, Beaus$Eros n'en reste pas moins un énième album fichtrement efficace dans la discographie de l'Américain qui doit une grande partie de sa réussite à la production affolante de justesse, toute fierté chauvine mise à part, du Bruxellois Lode : à eux deux, on se dit que l'avenir du conducteur de bus est entre une sacrée paire de mains et pourrait bien produire encore de sacrées étincelles...