As I Try Not to Fall Apart

White Lies

PIAS Recordings – 2022
par Nico P, le 7 mars 2022
2

White Lies a définitivement le cul entre deux chaises, et ce depuis quelques années. N’ayant jamais peur du ridicule, œuvrant à un certain mauvais goût tant dans son imagerie que dans sa production, le groupe originaire d'Ealing (dans l'Ouest de Londres) possède sur le papier toutes les qualités pour rivaliser dans les charts et sur les plus grandes scènes avec ses lointains cousins Coldplay et Ed Sheeran. Ce n’est là ni leur intention, ni notre ressenti, mais une évidence au regard de leur trajectoire.

Car l’autre moitié de fesse du trio (on vous laisse faire le calcul) semble, elle, toujours coincée en 2009 – époque bénite pour une formation, d’une part née outre-Manche, d’autre part calquée sur les dix précédentes couvertures du New Musical Express. Il y avait, à la sortie de To Lose My Life…, premier album studio produit par Ed Buller et Max Dingel, quelque chose de séduisant, certes d’un peu trop facile, mais de tout même efficace (urgh) chez ces jeunes gens. Des chansons, d’une part (“Death”, “Farewell to the Fairground”, “From The Stars”) mais aussi et surtout une époque prête à les accueillir comme des princes, encore pour quelques années, quelques mois à peine, assoiffée de nouveautés classées au rayon pop-rock (argh). Une époque révolue donc. Ce que White Lies semble ignorer.

Pourtant, trois ans après l’abominable Big TV (encore et toujours leur plus mauvais disque, vide de sens, vide de tout), le groupe avait su rebondir, non sans un certain succès critique, avec Friends, son meilleur album depuis… depuis toujours ? Depuis le premier ? En tout cas un album plus sobre, radieux même, enregistré en Angleterre mais semblant respirer l’air californien ("Morning in LA", naturellement, mais aussi “Take It Out On Me” et “Hold Back Your Love”, fantastique trio de tête), et annonciateur, pensions-nous, d’un regain de forme. Espoirs douchés par Five, et aujourd’hui enterrés jusqu’au cou avec ce sixième album.

Dix titres, un peu plus de 47 minutes, un joli premier single, “As I Try Not to Fall Apart”, pour peu qu’on ne soit pas trop regardant·e (il en va de même pour le titre d’ouverture, "Am I Really Going to Die") et derrière, en vrac, leur pire refrain ("I Don't Want to Go to Mars"), matière molle sans goût ni nuance, "Roll December", interminable élaboration inachevée d’opéra rock… Et des guitares, beaucoup, des murs de guitares, des accords répétés à l’infini comme si le silence allait tout faire imploser, comme s’il fallait absolument occuper l’espace avec un maximum de force, de son. Une production boursouflée qui ne masquera jamais la cruelle panne d’inspiration.

White Lies a donc le cul entre deux chaises. Petit vendeur aux grandes ambitions aujourd’hui, gros espoir aux chansons à fort potentiel hier. Entre les deux, une vie, une carrière, tout un monde qui ne les a pas attendus. Malheureusement, il semblerait que nous ayons eu raison de tracer notre route. Chouette pochette, ceci dit.

Le goût des autres :