Concert

Club to Club 2016

Turin, le 4 novembre 2016
par Côme, le 23 novembre 2016

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le festival italien Club to Club n'est pas vraiment un nouveau venu dans le petit monde des festivals. Cela fait même seize ans que le raout turinois défend son positionnement "avant-pop"; comprendre varié et un peu pointu mais sans tomber dans un événement de niche. Par contre, on ne peut pas vraiment dire que leur notoriété soit à la mesure de leur programmation, vu que c'est la première année qu'on s'intéresse vraiment à un événement dont les têtes d'affiche cette année se nommaient Autechre, Swans, Laurent Garnier, Arca, Tim Hecker ou encore Daphni. Et très franchement, on a bien fait de faire le déplacement. Retour sur notre périple lombard en quelques leçons.

Un lieu parfois pas super bien pensé

Ok, chaque festival ne peut pas se passer dans un château comme le Horst. Ok, on s'était peut-être emballé en s'imaginant que le majestueux Lingotto était resté d'époque et qu'on allait pouvoir zoner au petit matin sur la piste d'essai installée sur le toit de cette ancienne usine FIAT - c'est juste réservé aux clients de l'hôtel du bâtiment. En vrai, le lieu est devenu un palais des congrès extrêmement moderne et, si cela nuit à l'exotisme, on s'est dit que ça serait probablement plus pratique. Le problème, c'est que relier deux salles par un couloir de maximum cinq mètres de large n'est pas forcément optimal en matière de gestion des foules. On a donc été incapable d'accéder à la scène secondaire à partir d'une certaine heure le vendredi, la sécurité faisant rentrer le public au compte-goutte dans un espace malheureusement sous-dimensionné. Extrêmement intelligents, on a donc décidé de rester dans cette salle le lendemain, peu importe si on ratait le rap italien de Ghali (on a pas pleuré longtemps, c'était un showcase d'une demi-heure). Ce n'est qu'ensuite qu'on s'est rendu compte qu'on avait envie de pisser, que les cathy cabines étaient à l'autre bout du festival, qu'y aller signifiait probablement ne plus pouvoir revenir et qu'on a donc fait la queue pour accéder aux deux pauvres urinoirs disponibles à partir de cette scène.

Un son absolument incroyable

Si l’on a trop souvent l’habitude des ingés sons complètement à l’ouest et d’une qualité sonore qui tourne à la catastrophe dès que tu bouges de dix mètres, on en est d’autant plus heureux quand on a la chance, comme ici, de se régaler les oreilles. Si le son était déjà très propre sur la Mainstage, la qualité sonore de la Salla Gialla frôlait franchement la perfection et ce notamment durant le concert de Tim Hecker, permettant au Canadien de jouer à un volume extrêmement élevé sans rien perdre en qualité. On est par contre très contents de ne pas avoir oublié de se protéger les oreilles vu le volume sonore parfois dégagé : on s’en doutait un peu avec Swans et Autechre à l'affiche, mais ça cognait effectivement parfois très (trop) fort.

Un public parfaitement éduqué (enfin presque)

C’est en plein milieu du live d’Amnesia Scanner qu’on en a pris conscience : le public était carrément exemplaire, appréciatif et répondait parfaitement présent alors même qu’il se faisait latter à grands coups de basses et de flashs dans la gueule qui auraient mis n’importe quel épileptique sur le carreau. Loin d’être une exception, on se dit que le Club to Club reste un rendez-vous de gens curieux qui n’étaient pas venus que pour de la club music linéaire à souhait. Cela étant dit, il fallait bien évidemment que deux trois techno kids viennent doucher nos espoirs à un moment : pas rassasié après les 3h du set linéaire à souhait de Laurent Garnier, quelques attardés n’ont rien trouvé de mieux à faire que de siffler le début de la prestation d’Autechre. 

Des performances déroutantes

Parlons-en d’ailleurs de ce concert d’Autechre : on s’attendait à quelque chose de surprenant et on est effectivement sortis décontenancés devant la prestation des Anglais, étant complètement perdus et pas vraiment capables de mettre des mots sur ce qu’on venait d’entendre. Disons que le groupe prend toujours un malin plaisir à jouer avec les attentes (il suffit de voir les acclamations suivies de hurlements quand ils décident de proposer quelque chose de quasiment dansant pour mieux le réduire à néant une minute plus tard), même s’ils restent capables de tout annihiler en une séquence furieusement non-mélodique. Dans un tout autre registre, on était complètement perplexe devant Arca + Jesse Lanza : le producteur vénézuélien semble parfois ne jouer que pour lui-même et décide d’enchaîner les morceaux n’importe comment, passant du Big Pun après de la salsa en gargouillant dans son micro et dansant en porte-jarretelles devant un VJing qui se réduisait le plus souvent à une vidéo d’une vache en train de mettre bas. Allez, au moins sera-t-on sorti de là en découvrant que Arca est un chanteur phénoménal, poussant des vocalises pendant quelques minutes au début de sa prestation. Et puis, comme d'habitude en festival, on a beaucoup rigolé devant des performances dont on attendait pas forcément grand chose, mention spéciale à Clams Casino qui annonce le "Norf Norf" de Vince Staples avec la vidéo de cette mère de famille hystérique.

Le futur de la bass music c'est Rihanna et des basses

Vu la côte de la popularité qu’a la techno en ce moment, on est très heureux que le Club to Club ait préféré varier un peu en explorant avant tout les franges de la bass music. Au programme donc Amnesia Scanner, Koreless et enfin 3h de liberté offertes au collectif Janus. On a donc logiquement mangé pas mal de basses en deux soirées, Amnesia Scanner offrant notamment une heure hyper musclée le vendredi, la prestation de Koreless ensuite apparaissant bien légère ensuite en comparaison. Et surtout, on ne peut que se féliciter du choix de l’orga de booker Janus pour dire adieu au Lingotto. Trois heures d’anarchie totale offertes par M.E.S.H, Kablam et Total Freedom, le premier claquant des ruptures monstrueuses et désynchronisant ses platines pour toujours plus de bordel, Total Freedom finissant quant à lui par passer du Rihanna et du Desiigner en rajoutant des basslines dantesques à 5h du matin dans le plus grand des calmes. Honnêtement, on en plaindrait presque, tant les gens ont refusé de s’amuser et sont allés voir MCDE dans l’autre salle. 

La techno, c'est toujours la même chose (mais ça reste parfois bien)

Tu veux vraiment qu'on te dise ce qu'on a pensé du set de Laurent Garnier ? Très franchement, on ne comprend pas ce que le Français faisait là, coincé avant Autechre pour un set de trois heures qui évoluait sans aspérités ni surprises, quasiment en pilote automatique. Ce n'est pas qu'on aime pas l'individu, c'est juste qu'on espérait vivre une expérience et qu'on a eu un set techno. À l'opposé, merci à Daphni qui a, de façon assez surprenante, proposé quelque chose de très immersif et d'extrêmement vivant, avec un public qui semblait vraiment danser ensemble plutôt que bouger face au DJ. Enfin, impossible de parler de techno sans vous parler de Powell, un Powell qui jouait finalement de façon plutôt cohérente vu l'individu. Le set était globalement basé autour de son dernier album, joué de plus de façon assez conventionnelle pour un résultat moins anarchique qu'attendu, exception faite de passages comme "Skype".