The Screaming Of The Valkyries
Cradle Of Filth

Cradle of Filth est l'archétype du groupe qu'on adore détester, alors qu'à part quelques écarts de conduite franchement répréhensibles, il n'a jamais vraiment mal fait les choses. Sa discographie est à l'image des plus grands groupes de metal : absolument intouchable à ses débuts, parfois anecdotique par la suite, mais rarement hors-sujet - en tout cas hors de son propre sujet. Car on pourra reprocher aux Anglais tous les maux du monde, il y a chez eux une constante dans la défense obstinée (et frôlant parfois avec les limites du dégueulasse) d'une esthétique vampirique, gothique et lovecraftienne. Toujours dans l'excès, jamais sans son armada de faste et de rajoutes, Cradle of Filth fascine par la cohérence d'une proposition qui semble éternelle. Le monde a bien changé en trente-cinq ans, mais pas eux. Tout ça nous ramène à une seule question : vous avez le droit de le détester corps et âme mais qui peut s’asseoir à la table de Dani Filth, le regarder dans le blanc de ses lentilles et lui dire qu'il incarne plus ou mieux que lui le black metal gothique et symphonique?
Parce que, mes amis, c'est là tout le sel de Cradle of Filth. Ce leader charismatique aux tics vocaux indécents – qu'on aime ou qu'on déteste, la performance vocale a toujours quelque chose de spécial – qui a muté de petite légende de l'underground en superstar du cool qui traîne en studio avec Ed Sheeran, qui négocie ses contrats en major, qui rayonne sur Instagram avec sa meuf, qui transpire l'amour éternel pour un public qui lui est toujours resté fidèle. Ou dit autrement : Dani Filth est intouchable parce qu'il vit à fond sa vie de kiffeur, parce qu'il incarne la décadence musicale, parce qu'il refuse de se foutre de la gueule de ceux qui l'aiment profondément, parce qu'il qu'il se casse le cul à sortir un The Screaming Of The Valkyries franchement très honnête. Alors oui, ce quatorzième album est une synthèse de plus, mais que peut-on objectivement lui reprocher ?
Sa volonté de reprendre les vieilles recettes pour y mêler des refrains honteux de miel symphonique ? Jamais. Assurer le show avec une soupe à base de black metal vampirique, de heavy chatoyant et de thrash chevaleresque, quitte à n'être plus rien d'autre qu'un hybride génialement mature ? Mais qui sommes-nous pour aller expliquer la moindre chose à ce boss de fin de niveau qui a passé plus de la moitié de sa vie en corpse paint comme le gros patron qu'il est ? Dani Filth a le droit d'être un vieux con s'il le souhaite et à dire vrai, on le respectera qu'importe son choix. Parce qu'avec lui mourra une certaine idée du metal, une esthétique et un esprit. Parce que tous ceux qui chient sur le groupe ne sont que des pisse-froids incapables de s'émerveiller sur des riffs de titans, des chevauchées métalliques (toujours trop) cinématographiques et des performances vocales magnifiquement incarnées. Un disque taille patron, totalement maîtrisé, rempli de moments mémorables et réconfortants pour les vieux adolescents qu'on est restés. Putain, Dani, tu régales. N'arrête jamais s'il te plaît.