Sun Gangs

The Veils

Rough Trade – 2009
par Splinter, le 23 avril 2009
8

On a tous nos groupes fétiches, de la petite formation au combo mastodonte, ceux que l'on dorlote, voire que l'on vénère, en tout cas que l'on aime mettre en avant, quitte à parfois manquer – il faut le reconnaître – d'un brin d'objectivité. Avouons que The Veils font partie de cette catégorie. Les Néo-Zélandais, basés à Londres, que l'on suit depuis 2004, bénéficient dans ces colonnes d'un régime de faveur que d'aucuns pourront nous reprocher, comme cette note maximale accordée à Nux Vomica, sorti il y a trois ans déjà, une note que l'on assume pourtant totalement encore aujourd'hui au vu de la qualité exceptionnelle de cet album inusable, qui a su trouver l'équilibre parfait entre rock ("Jesus for the Jugular") et pop ("Advice for Young Mothers to Be") et a témoigné d'une superbe progression pour le beau Finn Andrews et sa petite bande depuis le déjà très bon The Runaway Found. A l'heure où paraît le troisième album du groupe, on voit mal comment ce statut de chouchou pourrait être remis en question.

Si, comme ses deux prédécesseurs, Sun Gangs démontre qu'Andrews manque d'un brin de clairvoyance et de goût pour choisir les titres de ses albums, le talent du jeune homme chapeauté explose une fois encore littéralement à la face de l'auditeur une fois le disque placé dans le lecteur avec, en particulier, le premier single, "The Letter", ou encore "Killed by the Boom" et "Three Sisters". Ces trois morceaux violents, beaucoup plus énergiques que précédemment, où l'on croit sentir l'inspiration des Smashing Pumpkings ou d'Arcade Fire, où la voix nasillarde et rocailleuse d'Andrews fait une nouvelle fois des merveilles, peuvent surprendre ceux qui s'attendaient à retrouver des morceaux très pop et sautillants. Effectivement, The Veils ont décidé de monter le son d'un cran, en mettant de côté leur tendance à proposer des titres joyeux et euphorisants, comme "The Tide That Left and Never Came Back" sur le premier album ou "Advice for Young Mothers to Be" sur le précédent. Voici un choix qui pourra, le cas échéant, leur être reproché, mais qui traduit clairement une saine envie d'avancer.

Comme Nux Vomica, Sun Gangs est un album aux trois visages, où chansons rapides et morceaux plus lents, folk et précieux ("Sit Down by the Fire", "Scarecrow") cohabitent assez miraculeusement avec des titres plus tendus et rêches, proches de la rupture ("Larkspur"), bien aidés par Finn Andrews, qui, depuis toujours, sait doser ses effets comme personne, y compris sur scène, d'ailleurs, puisque le souvenir de la prestation ô combien charismatique du groupe à la Boule noire à Paris en octobre 2006 est encore dans toutes les mémoires. Evidemment, le songwriting talenteux et délicat du fils de Barry Andrews (XTC) marque ce nouvel album, dont les paroles sombres et souvent désespérées soulignent  encore une fois la fragilité apparente d'une personnalité complexe.

Et si Sun Gangs ne parvient pas toujours à dissiper une certaine impression de maladresse,  apparaissant parfois comme un gauche décalque de Nux Vomica ("The House She Lived In" succédant à "House Where We All Live"), jusque dans l'enchaînement peu habile des morceaux (pourquoi avoir placé la lente "Sun Gangs" dès la deuxième position, au risque de faire retomber la pression ?), le bonheur de retrouver The Veils sur disque pour un troisième album de fort bonne tenue, conforte le fan dans son amour immodéré pour un groupe qui a su, jadis, toucher la grâce, et continue de la frôler, d'un peu plus loin, certes, mais pas au point de détourner l'attention.

Le goût des autres :
6 Popop