Les Meilleurs
Von Bikräv & Sidisid

Un album entier de frapcore (une fusion de gabber et de rap) avec des paroles inédites d'un rappeur invité pour l'occasion, beaucoup en ont rêvé, et voilà désormais leur vœu exaucé avec un cet album réunissant Sidisid, moitié de Butter Bullets, et Von Bikräv, issu du défunt collectif Casual Gabberz et désormais patron du label 20CONTRE1. Comme les plus sachant·e·s d’entre nous le savent, cette association est loin d'être une surprise puisqu'ils ont auparavant déjà collaboré sur plusieurs morceaux (notamment sur le délirant « Bulles d’air ») et qu'ils ont un temps fréquenté le même entourage (DJ Weedim, Biffty, Alkpote).
Comme ils le disent si bien dès le morceau d’intro, « Bibi et Sid c'est comme les pasta et la bolognaise, une putain de tache de gras sur ton polo beige ». Et c'est vrai qu'on sent que les deux gavas se sont vraiment amusés, quitte à jouer les nerds en mariant des influences qui n’ont en apparence aucun sens à être reliées : en fan de la première heure de la Three 6 Mafia, Sidisid est probablement à l’origine des références aux morceaux « Playa Hataz » sur « Les meilleurs » et « Tear Da Club Up » sur « La Merde »; tandis que de son côté Von Bikräv a sûrement choisi le design de la pochette (signé Yung Mocci) très "Warhammer" en hommage à une de ses passions.
Tout au long du projet, le fiel grincheux de Sidisid se fond merveilleusement dans les productions pétaradantes de Von Bikräv pour donner une atmosphère savoureusement nihiliste au projet. On y sent une bonne dose de désespoir et de mélancolie, c'est vrai, mais il y a aussi de résilience, comme sur « Seul à la maison ». Pas de quoi s’ennuyer donc, car quitte à être désespéré autant se donner à fond dans la fête pour oublier ("La Merde" et son énorme producer tag « VON BIKRÄÄÄÄÄV »). Et pour peu qu'on se prenne au jeu, on peut alors se régaler de la plume acide de Sidisid, tantôt dissidente (« Quand je dis petite pute je parle au masculin, ces salopes de rappeurs le savent très bien »), tantôt frappadingue (« Comme Albator j'suis bresson mais j'suis bon dans l'fond, j'écris d'jolies chansons en Versace chaussons »), sans oublier bien sûr sa propension à faire chier son monde avec en point de mire son sempiternel divulgâchage de The Wire sur « Les Meilleurs », comme sur « Rap Simons » en 2019, mais qu’il précise cette fois en en dévoilant le timecode.
Côté provocation toujours, mais cette fois sur un plan davantage politique qui les rapprocherait presque d’un JPEGMAFIA, l’album se clôt sur une réinvention du « Sacrifice de poulets » du Ministère A.M.E.R., assaisonné par Von Bikräv avec la même ferveur que lorsque Casual Gabberz avait remixé pour le bien commun le fameux "Fuck le 17" du 13 Block. Le résultat, un nouveau banger bien vénère pour faire peur à tous les vilains Judge Dredd qui hantent nos sociétés ultra-capitalistes et illibérales (le refrain « Pas de paix sans que Babylone paie, est-ce que tu le sais ? » se fait encore plus glaçant aujourd'hui). Un épilogue piquant donc, pour un album qui ne manquait déjà pas de sel. Après le Brat Summer de 2024, pourquoi ne pas célébrer cette année le Bikräv Winter ?