HEELS HAVE EYES
Westside Gunn

Westside Gunn a gagné. De Riots on Fashion Avenue dès 2017 à 12 il y a quelques semaines à peine en passant par And Then You Pray For Me, on a la conviction d’avoir dit tout ce que l’on pouvait dire au sujet d’un rappeur au magnétisme suffisamment fort pour avoir transformé notre saine curiosité en obsession. Désormais accros, chaque nouvelle sortie provoque en nous une envie irrépressible d’en parler, dans une conversation WhatsApp d’abord, sur ces pages ensuite, et cela même si celle qui nous occupe est tellement courte que l’écriture de la présente chronique est plus chronophage que l’écoute d’un projet qui va taper dans les dix minutes à peine.
Surtout que Westside Gunn n’est pas Kendrick Lamar ou JPEGMAFIA. Autrement dit, cette deuxième ligne au palmarès de son année 2019 n’est certainement pas l’occasion de mettre à jour un logiciel fait de beats lourds, de boucles de piano lugubres, de références à des possessions d’armes à feu ou de produits de grand luxe, et de « ayo » et « bo bo bo boom » à ne plus savoir qu'en faire. À dire vrai, au moment où ces lignes s’écrivent, je me demande réellement ce que je suis en train de foutre alors que j’ai une vie de famille, des potes que je ne vois pas assez, 4 saisons de Succession à regarder et des choses à dire sur des artistes qui en ont peut-être un peu plus besoin.
Bien sûr, je me console en me disant que HEELS HAVE EYES contient deux titres à ranger parmi les meilleurs du boss de Buffalo (« EINSTEIN KITCHEN » et DAVEY BOY SMITH »), que j’ai l’impression d’y retrouver la frénésie et l’exaltation de ses premières sorties (l'EP a été enregistré en une soirée à peine), et que j’ai la chance de vivre à la même époque que lui. Et puis, je me désole à l’idée de me retrouver piégé dans une relation toxique avec un artiste conscient de l’emprise qu’il est capable d’exercer sur moi et toute une frange de son public. Même Doechii s’est fait avoir, et Westside Gunn n’a pas manqué d’en profiter. Vous l’avez compris, ceci n’est pas une chronique, c’est un SOS.