Interview

The Presets

par Jeff, le 25 juillet 2007

Deux ans. C’est plus ou moins le temps qu’il aura fallu aux Australiens des Presets et à leur indispensable album Beams pour séduire la planète. En effet, initialement sorti en 2005 dans leur pays natal sur l’excellentissime label Modular, il aura fallu attendre 2006 pour que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne commencent à emboîter le pas grâce à la signature du groupe sur International Deejay Gigolo, le label de DJ Hell. Le prolongement logique de cette association fut une longue opération séduction sur le Vieux Continent qui a pris fin il y a quelques semaines seulement lors des 10 Days Off de Gand. Ce soir-là, alors que Tiga, les Glimmers ou Tommy Sunshine se déchaînaient derrière les platines, les Presets combattaient la fatigue pour séduire le public belge - le tout sous le regard attentif de Ismail Tuefekci (Digitalism) qui avait pris une pause bien méritée pour venir assister incognito au concert des Presets. C’est donc à cette occasion et juste avant le passage sur scène du groupe (un concert bien moins convaincant que la semaine précédente aux festival Les Ardentes) que nous avons rencontré Julian Hamilton, chanteur et claviériste exténué du duo, pour une rapide interview qui vous permettra de découvrir ou de mieux connaître ce magnifique duo électro.

Liability : Votre attaché de presse m’a dit que vous étiez sur les rotules. La tournée est très fatigante mais visiblement, elle se passe bien.

Julian Hamilton : Oui. Ce soir, nous jouons la dernière date d’une petite tournée assez serrée de dix jours en Europe. Il s’agit de notre ultime tournée avant de retourner en Australie et d’y enregistrer le nouvel album. Notre album, Beams, n'est sorti que récemment en Europe, mais cela fait déjà un certain temps qu'il est sorti aux Etats-Unis, en Angleterre ou en Australie. Aujourd’hui, nous avons vraiment envie de rentrer chez nous et d’enregistrer de nouveaux titres.

Liability : N'est-ce pas trop difficile de tourner deux ans avec le même disque ?

Julian Hamilton : Je pense qu’au cours des ces deux dernières années, nous avons pu faire le tour de la question. En tournée, nous avons déjà commencé à chipoter sur nos ordinateurs et créé des ébauches de titres mais ce ne sont là que des idées.

Liability : A quoi ressemble votre processus d’écriture et d’enregistrement?

Julian Hamilton : Généralement, c’est un processus assez rapide. Nous rencontrons bien quelques problèmes, mais dans l’ensemble, tout se déroule relativement rapidement. D’ailleurs, au cours des prochains mois, nous allons uniquement nous concentrer sur l’écriture et l’enregistrement de nouveaux titres. Fini les concerts !

Liability : A la base, les Presets n’étaient qu’un side project, c’est bien cela ?

Julian Hamilton : Oui. Kim et moi jouions dans un autre groupe appelé Prop. On faisait plutôt dans le post-rock. Mais souvent, après les répétitions, je chipotais sur mon clavier tandis que Kim se mettait derrière les fûts et on jouait une musique plus agressive et festive. Un jour, on s'est dit que ce que nous faisions nous plaisait vraiment et nous avons décidé de donner un nom à notre projet. Le reste appartient à l’histoire.

Liability : Beams est un disque électronique, mais il y a également une grosse influence punk, notamment dans le chant et l’attitude. Est-ce une influence revendiquée ?

Julian Hamilton : Que ce soit le punk ou le rock, nous avons toujours aimé la musique qui a des couilles et de l’énergie ! Un groupe comme AC/DC fait partie de nos idoles. Mais il n’y a pas de guitares sur notre disque. Notre but est de créer une musique rock à l’aide d’instruments électroniques. Notre son emprunte des idées à la techno et au rock. Mais ce qui nous plaît surtout dans le rock, c’est l’énergie que peut dégager cette musique.

Liability : Vous êtes signés sur le label Modular où l’on trouve également Wolfmother pour qui vous avez ouvert lors de la tournée anglaise. N’est-ce pas trop difficile de convaincre un public de chevelus qui kiffent Black Sabbath?

Julian Hamilton : C’était assez marrant parce que pas mal de ces fans de rock venaient nous voir après le concert et nous disaient « je déteste la techno mais ce que vous faites est vraiment bon ! » . Donc on se sent autant à l’aise dans une salle de rock que dans un club.

Liability : En termes de popularité et de reconnaissance internationale, est-ce que le fait d’être signé sur Modular est un plus ?

Julian Hamilton : Tout à fait. Notre filiation avec Modular nous a bien servis, surtout à nos débuts. Cela nous a permis de jouer dans des villes et des pays que nous n’avions jamais visités. Et dans ces villes ou pays, comme nous étions signés sur Modular, cela nous permettait de jouer dans ces clubs cools qui ne connaissaient pas bien notre musique.

Liability : Vous avez sûrement remarqué lors de votre passage en Europe que le continent est submergé par une vague fluo. C’est également le cas en Australie ?

Julian Hamilton : C’est plus ou moins la même chose. C’est surtout le cas à Sydney et Melbourne qui sont d’excellentes villes pour faire la fête. On ressent un véritable sentiment de liberté dans ces endroits. Nous sommes si loin des Etats-Unis et de l’Europe que nous avons toujours eu le sentiment de nous développer à l'écart. On le voit avec des groupes comme Wolfmother, The Avalanches ou nous. Notre pays ne peut pas compter sur sa longue tradition pop. Et il n'y a pas que la musique de surfeurs. De toute façon, aujourd’hui, avec Internet et MySpace, où que l’on soit dans le monde, on peut faire le type de musique que l’on veut. On s’en fout que tu sois de Sydney, Auckland, Tokyo ou Vancouver. La seule chose à faire, c’est d’acheter un synthé, de produire ta musique et de la mettre sur ta page web. Aujourd’hui, il ne faut pas nécessairement être originaire de Berlin ou vivre à New York.

Liability : Etre sur Modular, cela signifie être en de bons termes avec Kitsune ou Ed banger ?

Julian Hamilton : On connaît très bien Justice et les gens de chez Ed Banger. Ce sont tous des chics types et nous nous croisons souvent lors de nos tournées respectives. Ce sont des gens avec qui nous partageons une vision commune. La musique de Justice ne ressemble peut-être en rien à celle des Presets mais il y a énormément d’idées en commun.

Liability : Pensez-vous que cette tendance qui fait que des groupes comme vous ou Justice cartonnent va encore durer des années ?

Julian Hamilton : Je ne pense pas que ce mouvement ait le moindre avenir ! Lorsque Kim et moi avons commencé à faire de la musique sous le nom des Presets, c’était assez bizarre car de nombreux magazines techno ne parlaient pas de nous parce que nous n’étions pas assez techno à leur goût. Et les magazines de rock ne nous aimaient pas parce qu’il n’y avait pas de guitares dans notre musique. Ces magazines avaient un peu de mal à comprendre notre démarche. Notre objectif n’a jamais été de répondre aux besoins d’un public bien particulier. Et aujourd’hui, on voit débarquer des groupes comme les Klaxons et leur son « nu-rave ». C’est génial mais en fin de compte, on sera bien obligés de réinventer notre son si on veut qu’il nous intéresse toujours. Les Klaxons et tous ces groupes qui font partie de cette mouvance devront également le faire. Toutes ces scènes et tous ces genres sont créés de toutes pièces par la presse et non par les groupes. Nous on ne fait qu’écrire la musique.

Liability : Et comment les Presets vont-il se réinventer ?

Julian Hamilton : Je ne pense pas qu’on va faire un album de musique classique. Nous allons continuer à utiliser les mêmes instruments mais il y aura une évolution. Si nous n’évoluons pas, on va finir par s’ennuyer. On en a vite marre de notre propre musique. Ici, ça fait deux ans qu’on tourne avec le même album et on crève d’envie d’enregistrer de nouveaux trucs. On espère donc sortir notre nouvel album au début de l’année prochaine, toujours sur Modular. On ne risque pas de quitter ces gars qui nous laissent suivre nos envies et prendre notre temps.