Dossier

In Dust We Trust #30

par la rédaction, le 25 juin 2025

À la fois aubaine et business, l’exercice de la réédition du classique (avéré ou qui s’ignore) et de l’excavation de vieilleries disparues du circuit implique chez l’auditeur un peu curieux une occupation assez conséquente du temps de cerveau disponible. Histoire de vous aider à y voir un peu plus clair dans cette jungle, GMD a lancé In Dust We Trust, sélection vaguement trimestrielle de ce qui a mobilisé notre temps de cerveau.

Seefeel

Quique Redux (2025 Remaster)

Comme pour absolument tout dans la vie, le monde se sépare entre ceux qui savent déjà et ceux qui finiront par savoir. Certains le savent donc déjà : Quique est un immense album. Les autres sont sur le point de découvrir un trésor caché. Sorti en 1993 sur Too Pure, Quique est rapidement devenu la pierre angulaire d'une scène IDM/dub/shoegaze alors naissante en Angleterre. Un mélange des genres qui prête peut-être à sourire aujourd'hui mais qui est le témoin d'un son si novateur pour l'époque. Une sorte de Selected Ambient Works d'Aphex Twin – le groupe signera juste après sur Warp Records pour un EP et deux albums – joué selon les standards d'un My Bloody Valentine sous sedistress, d'un Richie Hawtin période F.U.S.E. ou d'un Massive Attack à l'état embryonnaire. Quique dans sa version album – la présente réédition s'accompagne d'un indispensable deuxième disque de versions alternatives de titres sortis à la même époque – est une puissante machine à nostalgie, l'incarnation de l'expérimentation sur l'art de la boucle et du feedback – à ce titre, on ne pourra jamais insister assez sur l'impact qu'a pu avoir cet album sur toute la discographie d'un The Field.

Le son d'une époque bénie où toutes les semaines sortait en Angleterre un nouvel album de proto-techno aux couleurs définies par des bécanes analogiques absolument délicieuses. Qu'on parle d'ambient, d'intelligent dance music, de dub ou de shoegaze, Seefeel s'est posé en daron (leur statut de légende de l'underground pouvant seulement être contesté par Bowery Electric et ses flamboyants débuts sur Kranky) introduisant ses divagations à la guitare dans un monde électronique qui semblait uniquement réservé aux nerds de la team de Sheffield. Seefeel tiendra dans un relatif anonymat un premier disque pourtant définitif, qui lui ouvrira les portes d'une carrière à l'image de leur génie : trop peu célébré.

Maintenant vous savez. (Simon)

Various

Boccaccio Life 1987-1993

Tous les plus grands clubs de la planète ont une histoire intrinsèquement liée au lieu qui les accueille - ou les a accueillis. Du Tresor de Berlin à l’Haçienda de Manchester en passant par le Pikes d’Ibiza, les briques qui entourent le dancefloor disent souvent beaucoup l’endroit. Si celles du Boccaccio pouvaient parler, elles vous diraient combien le premier « mega dancing » de Belgique se trouvait à l’endroit le plus random du monde : le long d’une nationale tristoune, non loin d’une autoroute permettant aux fêtards de Belgique, mais aussi de France, des Pays-Bas ou du Royaume-Uni de rejoindre aisément ce temple de la nuit gantoise, théâtre d’une des périodes les plus fastes de la culture belge. C’est cette histoire que raconte la compilation Boccaccio Life 1987-1993, revenant sur une période où la DA du club voyait se réunir du vendredi soir au lundi matin une jeunesse assoiffée de New Beat, ce courant musical qui amalgamait acid house et EBM dans des tempos souvent lascifs. Mais ce que tendent à démontrer ces 38 titres sélectionnés par un ancient résident du Boccaccio, Olivier Pieters, et un habitué des lieux devenus DJ, Stefaan Vandenberghe aka Dr. Lektroluv, c’est que les hymnes New Beat, hypnotiques et martiaux, était aussi un prétexte pour initier le public à d’autres courants, d’autres propositions, d’autres facettes de la musique électronique, qu’on les associe à des warehouses anglaises, des clubs de Chicago ou des studios de Détroit. Avec ses 38 titres répartis sur 4 CD’s, avec sa curation qui tape autant dans le classique (LFO, The Orb, Frankie Knuckles) que dans les hymnes préférés des patrons de la maison, Boccaccio Life 1987-1993 est un hommage à la hauteur de la démesure et de la furia qui allaient mener le club à sa perte au mitan des 90's. This is the sound of B. (Jeff)

Ashen

Ritual of Ash

Les classiques n’attendent pas. Sorti le 7 janvier 2023 sur Bitter Loss Records, Ritual of Ash se voit déjà réédité par l’excellent Redefining Darkness Records. La rapidité de l’opération tient probablement de l’efficacité extrême de ce premier album de Ashen, groupe de Perth qui sonne comme tout sauf australien. Il en va ainsi quand on gave son death metal de pédales HM-2, il est difficile de sonner autrement qu’Entombed ou Dismember. Si la forme est suédoise, le cœur est définitivement américain : dans un style extrêmement floridien, Ashen taille son metal avec un rapport à l’efficacité démultiplié. Il n’y a aucun détour à prendre quand il s’agit d’envoyer des gigantesques bûches old school, et les Australiens l’ont bien compris : la production est si titanesque qu’elle aurait convenu à n’importe quel groupe de deathcore ou metalcore actuel. Ritual of Ash est un disque de gros headbanging qui s’assume comme tel, et l’effet est immédiat : chaque riff mid tempo sonne comme une chute de trois étages, chaque cri comme une déflagration. Au final, la crainte était de voir le disque se diluer dans un manque de personnalité ou de créativité, la faute à un côté un peu trop big room et une affiliation à un death metal abusivement dans le culte de la chose old school. Des titres comme « Buried In Ice », « Inhuman », « Cursed Rebirth » ou « Threshold » sont pourtant bien les témoins d’une vraie capacité à tailler des bangers crapuleux tout en affirmant des qualités de composition au-dessus de la moyenne. Une réédition était bien nécessaire. (Simon)

Various Artists

Scraping Bubblegum Off My Soul: 1977-80 Punk - Powerpop - New Wave - DIY!

Quand on galère pour boucler un numéro de ce dossier, on va généralement faire un tour du côté de chez Soul Jazz pour voir si ne vient pas de sortir une compilation qui va forcément titiller notre curiosité. Et encore une fois, ça n’a pas loupé avec Scraping Bubblegum Off My Soul: 1977-80 Punk - Powerpop - New Wave - DIY!, nouvelle compilation dont la seule promesse tient dans le titre : celle de nous faire découvrir des artistes totalement inconnus au bataillon pour la simple et bonne raison qu’il n’ont pas rencontré le moindre succès de leur vivant. Musicalement, on se place ici dans un contexte où une formation dictait sa loi à grand renfort de riffs irrésistibles : les Buzzcocks. En effet, sur la période visée par la compilation, le groupe anglais a sorti pas moins de quatre albums ainsi que la désormais mythique compilations Singles Going Steady, et on sent rapidement ici son influence sur une scène punk qui trouve un souffle nouveau en laissant s’exprimer une sensibilité pop au détriment d’un bruit et d’une fureur qui servaient alors de marqueurs identitaires pour toute une génération de musiciens. Ceux que l’on entend ici ont tous préféré les joies du DIY aux diktats de l'industrie et n’ont pas eu droit aux honneurs du NME et du Melody Maker à l'époque, mais leurs hymnes de poche n’ont heureusement rien perdu de leur efficacité. (Jeff)