Voices From The Lake

Voices From The Lake

Prologue – 2012
par Simon, le 3 mai 2012
7

Devra-t-on sans cesse répéter le même laïus à chaque sortie du genre, jusqu’à ce que vous soyez convaincus qu’on ressort à chaque fois le même pavé du placard pour vous causer de techno-dub, de son statisme créatif, de sa beauté chiante et de sa propension à toujours fusionner le fond et la forme? Enfin, plutôt d’effacer le fond, le cœur, pour laisser place à des contours toujours plus scriptés et taillés pour l’inertie des (non) sens. C’est ce qu’on s’est dit au moment de se caler l’album de Voices From The Lake. En même temps, que penser d’autre de l’album qui s’impose partout (jurisprudence Resident Advisor en tête) comme le nouveau totem techno/dub ambient des deep-heads sinon qu’il ne peut être que surévalué.

Et en même temps, cet album, on voulait l’aimer de toutes nos forces, ne serait-ce que pour la présence de ce cador de Donato Dozzy. Sa techno, ses ambiances de maladie tropicale et son groove qui sent la mozzarella. Et si son collègue Neel n’a encore rien sorti jusqu’ici, ce duo de ritals a, sur le plan de la crédibilité, déjà tout gagné. Un terrain propice à l’émerveillement qui profite indéniablement à l’accusé. Trop peut-être. Mais n’allons pas trop vite, car ce Voices From The Lake est un bon disque, et cela il ne faudra jamais l’oublier. Une histoire de saveur, et de lenteur, qui s’écoute tout en déroulé. Une deep-techno axée autour de l’éveil progressif des sens et du parcours ascendant, qui prend la mesure de son ambition puisque chaque titre est chaque fois plus dynamique que son grand frère et que le tout se déguste sans coupures. Alors forcément la transe monte comme des œufs en neige, la couverture sonore est douillette et réchauffe lentement tes petits pieds tout froids.

Esthétiquement – pour un disque étiqueté dub-techno il était temps d’y venir – on sent la maestria technique partout. Comme une mousse au chocolat préparée par Norbert, Voices From The Lake est léger et généreux, il tournoie sagement, se déploie dans de subtils mouvements de zoom-dézoom à faire pâlir un réalisateur de films 3D. Aucun cliché, aucun clavier aux échos pupute, tout avance comme un grand disque de deep-techno à consonance dub. C’est important d’insister sur cette dernière nuance puisque Si Voices From The Lake a quelque chose de dub et de potentiellement enfumé, alors c’est entrevu – là aussi la nuance a son importance - comme un moyen et non une fin. Fini les montagnes de delay, bonjour la nuance et la réelle profondeur de champ. Bref, c’est la classe.

Cependant, on doit aussi reconnaître qu’on se fait chier pendant une bonne partie du disque. Attention, pas comme dans un porno de mauvaise qualité. Ici, on se fait joliment chier. Tout est beau, potentiellement évocateur, mais avant le septième titre ça tourne méchamment en rond, et ça finit par lasser. Le dernier tiers intervient magnifiquement comme la réponse à la progression entrevue avant, mais en mieux. En carrément monumental même : tourbillonnement du kick, les cinq derniers (longs) titres sont une véritable fournaise en suspension et cette dernière partie passe de la vibration à la domination. On retrouve alors ce Donnato Dozzy impérial, son groove chaud des bourses, la sueur et l’allant de sa techno explosant enfin à la gueule du chaland qui voyait ce disque partir définitivement en couille – ou plutôt nulle part.

Un bon disque donc, qui possédait en lui les germes d’une révolution de genre. Une révolution de palais enfin, qui n’aura pas lieu, ou alors par intermittence. Une aventure exceptionnelle et pourtant empreinte de déception et de légers regrets. A nos actes manqués se diront-ils, ou plutôt dirons-nous. Car pour beaucoup, vous avez en face de vous le disque deep-techno de l’année.

Le goût des autres :