The Divine Feminine

Mac Miller

Warner Bros. – 2016
par Jeff, le 26 septembre 2016
6

Difficile de douter du succès de Mac Miller. À une époque où les réseaux sociaux font office de baromètre, un type qui dépasse les 5 millions de fans sur Facebook et Twitter est incontournable. Pourtant, là où certains accèdent régulièrement au statut d'icône dans des délais qui dépassent l'entendement, Mac Miller a toujours semblé courir derrière la reconnaissance du grand public et ne jamais faire partie du cercle fermé des têtes de gondole qui définissent les tendances (ou les suivent benoîtement). 

La faute à quoi ? Peut-être à cette tronche de 'frat boy' mal réveillé qui donne à penser qu'il a fumé un blunt de 16 kilomètres au saut du lit. Ou probablement à une discographie qui manque d'un vrai disque-balise, capable d'asseoir sa crédibilité auprès du consommateur lambda de rap qui ne passe pas le plus clair de son temps sur Datpiff.

Pourtant, c'est bien cette dernière plateforme qui aura toujours permis de jauger l'immense talent du MC et producteur de Pittsburgh : après un premier album globalement descendu par la critique, Mac Miller sort Macadelic, qui esquisse les contours d'un univers sombre et bourré de vieux démons. Un univers dont les portes seront totalement enfoncées avec Delusional Thomas, mixtape sous hélium façon Quasimoto (l'alter ego zarbi de Madlib), produite avec randomblackdude, qui n'est autre qu'Earl Sweatshirt, grand spécialiste des disques qui puent la déprime. Et on ne parle même pas de son travail de producteur sous le nom de Larry Fisherman, qui l'aura notamment vu se faire plaisir ou participer à l'éclosion d'un Vince Staples, qui n'a aujourd'hui plus besoin de personne pour peser de tout son poids sur le rap.

Forcément, à chaque fois qu'un nouvel album en major est annoncé, on espère voir se matérialiser son joli travail sur mixtape le temps d'une sortie officielle à la hauteur d'un talent indéniable. En vain. Watching Movies with the Sound Off ou GO:OD AM sont d'honnêtes albums, mais vers lesquels on revient moins naturellement.

Pourtant, avec The Divine Feminine, on a longtemps cru tenir ce fameux disque-balise évoqué plus haut. Non pas à cause de sa ligne directrice (qui semble évoluer à chaque projet), mais plutôt en raison de la qualité du produit proposé, capable de réconcilier à peu près toutes les chapelles. Ainsi, ce disque sur l'amour propose au moins trois grands moments : "Dang!" tout d'abord, qui a tout du tube de notre été 2016 avec un Anderson .Paak dans une forme éclatante ; "My Favourite Part" ensuite, une collab' avec sa nouvelle girlfriend (l'éminemment choupi Ariana Grande) qui réussit le petit exploit de nous faire sentir comme la cinquième roue du carrosse à un rencart ; "Cinderella" enfin, incroyable sérénade qui s'étire sur 8 minutes, magnifiée par la voix rauque de Ty Dolla $ign et réceptacle des nombreuses ambitions portées par le disque - et tout simplement l'un des tous grands titres de 2016.

Ces trois morceaux digérés et totalement validés, le reste de The Divine Feminine semble un peu fade, ne fonctionnant alors que par à-coups, tentant d'allumer le feu sacré sans jamais dépasser le cap de l'étincelle qui donne de l'espoir. Pire encore, alors que Kendrick Lamar est depuis quelques années le roi incontesté du featuring, il donne l'impression de se traîner sur le titre qui clôture le disque - alors que quelques années plus tôt, il offrait à Mac Miller l'un de ses meilleurs guest verses. Tout le contraire d'un Cee Lo Green généralement insupportable de grandiloquence, mais qui cette fois se met réellement au service du titre qui l'accueille. 

Ainsi, passées les premières écoutes enthousiasmantes, The Divine Feminine laisse progressivement apparaître les fissures attestant de la fragilité d'un projet qui risque à tout moment de crouler sous le poids de ses ambitions. Ceci étant, voir Mac Miller imprimer une telle rigueur dans la définition du cadre général tend à prouver que la cible sera un jour atteinte, que les livres d'histoire n'en feront pas une espèce de Hatem Ben Arfa du rap. Puis ici, on ne se tracasse pas trop : on imagine que cet album sera suivi d'une mixtape, qui elle défoncera.

Le goût des autres :
5 Ruben