SZNZ

Weezer

Crush Music – 2022
par Tariqg, le 16 janvier 2023
7

"Personne ne déteste autant Weezer que les fans de Weezer eux-mêmes." C'est un constat qui se confirme un peu plus à chaque nouvelle sortie du groupe, empêchant carrément le public visé d'apprécier la musique comme il le devrait. Il va de soi que, pour l'immense majorité des fans de la première heure, Weezer était bon, mais ne l'est plus. C'en est même devenu un fâcheux stéréotype. Ainsi, lorsque Rivers Cuomo annonce en 2021 la sortie de 4 EPs au premier jour de chaque saison de l'année suivante, la tendance générale est au dénigrement. Mais une petite communauté d'irréductibles fanboys résiste encore et toujours à la pression sociale et apprécie chaque sortie depuis le Green Album en 2001.

Dès Spring, la ligne directrice du projet SZNZ semblait déjà tracée et relativement claire : chaque EP allait être plus triste et plus dramatique que le précédent. Le but était alors de passer en plusieurs étapes de la joie sans faille du retour du soleil du printemps à « la tristesse déchirante qui peut si facilement être associée aux mois d'hiver » pour reprendre les mots de Rivers Cuomo. Et ce parti-pris extrêmement risqué est exécuté à merveille, en toute subtilité. L'EP printanier joue parfaitement son rôle, n'en déplaise aux prétentieux. Ses très belles paroles, mettant à l'honneur amour et insouciance, sont sans doute qualifiées à juste titre de cheesy par nos amis amerloques – on pense à cette phrase sur Shakespeare et Falstaff évidemment, ceux qui savent savent – mais elles sont si efficaces ! Weezer s'est toujours revendiqué de la sunshine pop et c'est clairement plus marqué ici que sur l'affreux « Beach Boys » entendu sur Pacific Daydream. Toutes les mélodies sont entraînantes et respirent la joie  : c'est une très belle réussite (et comme beaucoup, nous ne nous sommes toujours pas remis du banger qu'est "The Sound of Drums"). Puis, Summer apporte une suite très convaincante en restant dans la thématique générale. Il sonne alors comme une extension de Van Weezer et OK Human, avec ses sonorités empruntées à la pop baroque et au Revolver des Beatles - on pense à "Lawn Chair" et à "What's the Good of Being Good".

L'EP automnal est probablement le moins bon, alternant maladroitement entre des morceaux visant à satisfaire les fans de première heure et des tentatives de tubes frisant l'atroce ("What happens after you" ferait passer le "Moves Like Jagger" de Maroon 5 pour du Vampire Weekend. Enfin, c'est sur Winter que le groupe arrive à dépasser toutes nos attentes. Les thématiques y sont plus sombres et sans doute plus sérieuses : Rivers y parle de son impression d'être déconnecté et mis à l'écart depuis son plus jeune âge ("Basketball"), ou encore de ses relations adolescentes qu'il ne parvient pas à oublier ("The One That Got Away") et une sincérité unique et inouïe se dégage de l'EP. "Dark Enough to see the stars" – version moderne et actualisée de "In the Garage" - fait indéniablement partie des plus belles œuvres du groupe depuis des années. Rivers parvient ainsi tout au long des 7 titres à cerner précisément ce qui faisait la magie de Pinkerton 26 ans plus tôt, mais sans nous en resservir de pâle copie. Si les adorateurs sans faille des premiers disques arrivent encore à taper sur cet EP, on aura la preuve que la nostalgie parle sans doute bien plus que l'objectivité.

Ces Quatre Saisons ne sont pas exemptes de défauts mais elles accomplissent parfaitement leur mission première. Terminé le dernier volet de la quadralogie, un sentiment fort et puissant s'empare de nous, assez proche de ce qu'un "Only in Dreams" nous procurait à l'époque du Blue Album. Et c'est précisément pour ça qu'on aime autant Weezer.