Slowly, It Dawns
Victoria Canal

Pour le consommateur de musique aux goûts pluriels, le mois de janvier est une véritable bénédiction : hormis l’un ou l’autre gros bonnet qui se hasarde à sortir du gué, la période est plutôt calme et évite les poussées de FOMO aux plus paranos. On sait que dans quelques semaines on se retrouvera à courir comme un poulet sans tête derrière l’actu alors on profite : on fait connaissance avec quelques oubliés de 2024, on ponce les classiques et puis surtout, on se hasarde à aller farfouiller dans des recoins de l’internet qu’on fréquente moins. On ne parle pas d’aller acheter du Captagon sur le dark web, mais plutôt de se perdre sur des pages où on l’apprend que Victoria Canal est une protégée de Chris Martin, ce qui devrait être le repoussoir ultime pour le lecteur lambda du plus prestigieux webzine de la francophonie. Mais parce que la période est tellement bizarre qu’elle normalise nos choix de vie les plus improbables, on a lancé ce premier album de l’artiste hispano-américaine.
Et après quelques écoutes, la parallèle avec Chris Martin et Coldplay apparaît comme une évidence. Comme le groupe au début des années 2000 (époque A Rush Of Blood To The Head), Victoria Canal ne sait pas vraiment choisir entre deux ambitions difficilement conciliables : suivre la voie empruntée par des artistes comme Mitski ou beabadobee (« Talk » en est le meilleur exemple) ; ou s’engager sur la pente savonneuse d’une pop grand public façon Billie Eilish, comme sur « California Sober ». Malgré ses tiraillements apparents, Slowly, It Dawns reste agréable parce qu’on est devant une artiste qui, bien que consciente de la suroccupation sur son créneau, évite habilement le piège du mauvais copier / coller ou du pathos pathétique, esquissant les contours d’une personnalité qui ne demande qu’à s’affirmer. Noble dans ses intentions, classieux dans sa production et honnête dans son exécution, le premier album de Victoria Canal est presque moins intéressant pour le contenu qu’il propose que pour le champ des possibles qu’il ouvre – on se permet d’insister sur le mot presque.