Simple Songs

Jim O'Rourke

Drag City – 2015
par Jeff, le 31 mai 2015
8

Pas facile tous les jours d’être fan de Jim O’Rourke. Tout d’abord parce que la discographie de l’Américain (aujourd'hui exilé au Japon) est plus épaisse qu’une Guinness. Ensuite parce qu’il aura toujours pris un malin plaisir à jouer les fieffés explorateurs.

Partant de là, à moins que vous soyez un mélomane accompli qui prend autant de plaisir à écouter un disque de folk sur Domino qu’une heure de drone sur Editions Mego, vous aurez probablement eu un peu de mal à suivre Jim O’Rourke, tellement hyperactif qu’il te ferait passer Dora l’exploratrice pour une nonagénaire tétraplégique. En outre, si vous faites partie de ceux qui ont été davantage conquis par sa carrière plus « traditionnelle » (celle avec des vraies chansons dedans) l’absence aura dû sembler immense entre la sortie de ce Simple Songs et la fin de sa célèbre trilogie pour Drag City entre 1997 et 2001 - Bad Timing, Eureka et enfin Insignificance.

Heureusement pour l’amateur de guitare et d'arrangements subtils il aura dans l’intervalle alterné les piges passionnantes : il a ainsi été le cinquième membre de Sonic Youth (avec qui il enregistrera les derniers bons albums du groupe), produit le meilleur Wilco des noughties (incroyable A Ghost Is Born), aidé à la réalisation de quelques grands disques ou servi de consultant musical sur le plateau du School of Rock de Richard Linklater. Bref, quand on y réfléchit bien, Jim O’Rourke a peut-être sorti un nombre incalculable de disques complètement barrés et difficiles d’accès, mais il a quand même réussi à être très présent dans nos petites vies de fans de rock indé.

Et c’est peut-être pour ça que ces retrouvailles ont l’air si naturelles sur ce nouveau disque. Quatorze longues années nous séparent de la sortie d'Insignificance (et six de The Visitor, disque hybride entre tradition et expérimentation), et pourtant on a presque l’impression que c’était hier qu’on s’ébaudissait devant le magnificence et la limpidité d’un songwriting qui réussissait à sonner très personnel malgré les emprunts évidents à pas mal de grands.

Jim O’Rourke, lui, a été suffisamment occupé pour ne pas voir le temps passer. D’ailleurs il n’a pas peur de le dire en ouverture de Simple Songs"Nice to see you once again / Been a long time my friends / Since you crossed my mind at all." Ceci étant dit, on ne pas lui en tenir rigueur, vu que derrière, Jim O’Rourke nous livre un de ces albums dont il a le secret: tout est fluide sans pour autant être dans cette simplicité évoquée dans le titre du disque, tout est artisanal sans pour autant avoir l’air cheap, tout est beau sans pour autant se sentir obligé de nous en foutre plein la vue. Simple Songs est en quelque sorte à la musique ce qu’une Cate Blanchett pourrait être au cinéma. Une classe folle, un talent immense, et une gestion de carrière guidée par le bon goût et la beauté des projets, qu’ils soient tagués « folk », « pop », « drone » ou « musique concrète ». La marque des plus grands, assurément.

Le goût des autres :
7 Amaury L