Raskit

Dizzee Rascal

Dirtee Stank – 2017
par Dom, le 25 juillet 2017
6

Parler d’un album de Dizzee Rascal en 2017 revient à évoquer un éventuel retour de Dido, tant 2003 et le garçon au coin de la rue ne sont plus que de lointains souvenirs. Le Londonien a depuis longtemps troqué sa part sombre et ses mauvaises manières pour des cieux davantage "nouveau riche", et son inéluctable embourgeoisement nous l’a progressivement emmené vers des signes extérieurs de richesse autrement plus pop que le grime rachitique mais racé de "I Luv U" ou "Fix Up Look Sharp". Tel un vieux pimp n’ayant plus que deux blondasses à impressionner, nous l’avions laissé attablé avec son magnum de Cristal rosé, à se persuader qu'il était toujours le roi du quartier. Le quartier, lui, l’ayant oublié depuis des lustres.

Pourtant, Dizzee Rascal revient encore une fois, pas façon Rocky IV mais plutôt dans une ambiance glauque qui rappelle l'opus suivant. Retour au coin de la rue, donc, histoire de nous prouver que le boxeur en a encore dans le ventre. Certes conscient de ses maladresses, il est prêt à en découdre alors que personne ne lui a rien demandé. On sent l’envie, la hargne, et ça mérite d’y jeter une oreille, de lui laisser nous montrer de quoi il est encore capable.

Pourtant, dès le premier round, on sent que ça se cherche. Le phrasé est un peu fatigué, mais envoie quelques coups vicieux. Rapidement, on sent que les envies d'électronique sont toujours bien présentes mais on sent que c'est moins pour faire danser les blancs-becs de la City que pour illustrer une bagarre de fond de ruelle. Que faire après un premier round ayant attiré les regards? Dizzee se pose la question, tape un peu dans le vide, et n’en finit plus de montrer qu’il est de retour. Ça tourne en rond et ça fait les gros yeux. Le son est lourd mais n’impressionne que peu. On connaît, mais on est passé à autre chose.

Pourtant, Dizzee Rascal ne jette pas l'éponge. De l’espace à combler, un terrain à occuper, des choses à prouver, ce n'est pas ce qui manque sur Raskit. Alors la racaille creuse à l’usure, besogne, minimalise son jeu et le rend plus intéressant. En virant le gras, cela permet aux morceaux de s’enchaîner de façon métronomique. En sueur, il s'acharne à nous démontrer à quel point son combat est sincère, même s'il semble perdu d’avance. Histoire de ne pas nous perdre en chemin, Dizzee Rascal va vite et raccourcit les échanges, car il sait quand sans cela, il perdrait son souffle et notre attention. Il va à l’essentiel, trébuche parfois, mais la multitude des coups nous fait oublier les ratages.

Au final, pas de KO. Juste quatre ou cinq beaux coups qui effleurent le foie, quelques crochets qui endolorissent les arcades sourcillières et l'un ou l’autre uppercut pour faire trembler les mâchoires. Dizzee Rascal sait encore se battre mais malheureusement pour lui, tout le monde s’en fout.

Le goût des autres :