Pretty Girls Like Trap Music

2 Chainz

Def Jam Recordings – 2017
par Jeff, le 12 juillet 2017
7

Je n'ai jamais aimé 2 Chainz. Enfin, je n'ai jamais aimé le statut de superstar qu'on prête depuis toujours à cette grande gigue qui brille parfois plus en featuring chez les copains que sur ses propres albums - on appelle ça le "syndrome Big Sean". J'ai toujours trouvé son omniprésence inversement proportionnelle au talent que je lui attribue. J'ai toujours trouvé ses albums à l'image de cette industrie du rap mainstream qui usine les disques sans histoire, interchangeables à l'infini malgré les personnalités uniques des MC's et des producteurs qui sont censés les incarner - une vision du rap résumée à merveille par la discographie de DJ Khaled. Des potes ont bien tenté de me prouver que j'étais dans l'erreur à force d'arguments massues, et j'ai bien succombé à l'un ou l'autre coup d'éclat, mais cela sans jamais me départir de ma position initiale. 

Et puis j'ai écouté Pretty Girls Like Trap Music, et le socle sur lequel j'avais posé mon auguste postérieur a vacillé. Soyons clairs : sur le papier, il n'y a pas grand chose qui différencie ce quatrième album studio des autres grosses sorties de l'année. De fait, on y croise pas mal de têtes forts connues  et de producteurs se portant garants de la réussite du projet. Par ailleurs, l'ambiance globale du disque est totalement prévisible, et il est bien difficile de savoir si quelqu'un se souviendra encore de Pretty Girls Like Trap Music une fois que la lessiveuse promotionnelle qui entoure sa sortie arrêtera son travail. 

Mais ce n'est pas bien grave, pour deux raisons. La première raison, c'est que pris à un instant t (coucou les vacances et le cerveau en veille), cet album est un vrai délice. De par sa nature même de produit pensé pour être consommé massivement, rien ne dépasse, tout est lisse, et les angles sont bien arrondis. Tout le monde savait ce qu'il devait faire avant même d'entrer en studio, et s'est attelé à respecter le cahier des charges vu la taille du chèque habituellement délivré par Def Jam Recordings pour ce genre d'entreprise : Mike WiLL Made It pond un tube qu'on place stratégiquement en ouverture d'album, Drake en fait des tonnes, Travis $cott distribue des "yeah yeah" et des "skrrrt skrrrt" comme Jésus distribuait des pains, Migos sont là parce qu'on est en 2017 et qu'un album sans Migos est impensable, Gucci Mane se pointe probablement parce que quelqu'un avait laissé la porte ouverte, Nicki Minaj soigne sa crédibilité de rappeuse et Ty Dolla $ign se pointe juste pour signer le meilleur hook du disque - une habitude chez lui. Y'a même Pharrell Williams qui vient pousser la chansonnette histoire de nous rappeler qu'il ne sert plus trop à grand chose dans le rap, malheureusement. 

Et puis au milieu du terrain de jeu, perché sur la cage à poules, il y a 2 Chainz. Et il est la seconde (et principale) raison d'aimer ce disque. Plus le temps passe, moins il a l'air de s'en foutre, et c'est juste savoureux. Enfin, c'est évidemment l'air qu'il se donne : le businessman qui sommeille en lui est trop astucieux pour débrancher complètement la prise. Donc en 2017, son rôle sera celui du tonton sympa du rap qui occupe un siège laissé vacant par Snoop Dogg, juste bon à essayer de rallumer la flamme G-Funk sur son petit dernier alors que tout le monde sait qu'il aurait dû faire ça y'a 10 ans. Sur un album où rien ne peut dépasser du cadre, 2 Chainz semble être le seul véritable électron libre, qui laisse certes pas mal de place aux invités, mais occupe intelligemment le terrain quand il le faut, se rendant totalement indispensable aux meilleurs moments du disque - c'est notamment criant d'efficacité sur sa collab' avec Swae Lee de Rae Sremmurd, qui se fait renvoyer à ses gammes par ce vieux briscard de Tity Boy.

Comme raconté plus haut, difficile aujourd'hui de vous dire avec certitude si Pretty Girls Like Trap Music passera l'année ou l'été - on ne va pas se mentir, on risque fort d'avoir oublié ce disque dans 6 mois. Mais comme raconté plus haut, s'il est le début de quelque chose, l'affirmation d'un rôle de personnage "bigger than rap" qui collerait à merveille à 2 Chainz, alors on peut dire que ce disque est, à sa manière, essentiel.

Le goût des autres :
7 Ruben