Please Be Mine

Molly Burch

Captured Tracks – 2017
par Jeff, le 3 avril 2017
7

Dans sa propension inévitable à tout recycler, à tout tenter pour essayer de repousser des limites qui commencent à être atteintes, le rock épuise et s‘épuise, contraint à un éreintant travail de tri. Dans ce contexte, deux options : s’en remettre aux classiques le temps de se refaire une santé, ou faire confiance à des artistes qui n’ont pas pour vocation de faire avancer le schmilblick – que du contraire. Et c’est là qu’une fille comme Molly Burch tombe à point nommé pour l’oreille fatiguée. En effet, d’un total classicisme, la country-folk qu’elle livre à Captured Tracks est à l’opposé de l’habituel cahier des charges d’une structure qui suinte la coolitude par tous les pores – les artistes les plus notables se nomment pour rappel DIIV, Mac DeMarco, MOURN, ou Perfect Pussy. Attention, il ne faut jamais penser qu’en faisant « à la manière de » ou en évoquant une époque révolue, un artiste se facilite la tâche. C’est même tout le contraire. Chaque parallèle évident, chaque comparaison facile, c’est un piège redoutable qui se tend, une ornière dont il devient difficile de sortir. Il pourra être reproché à Molly Burch de nous raconter une Amérique qui n’existe plus, de convoquer des images mentales qui ont tout de la Madeleine de Proust périmée, de nous pondre la bluette d’une niaiserie sans nom. Ces arguments sont tout à fait recevables et probablement pertinents. Sauf qu’à ce niveau de talent, ceux-ci se balaient aussi d’un revers de la main quand la Texane ouvre la bouche : cette voix-là, sans en faire des caisses, est d’une incroyable justesse, et surtout capable d’exceller dans bien des registres – même si, comme pas mal de monde, on a une petite préférence pour ces intonations graves d’une irrésistible sensualité ou pour ces passages où ses cordes vocales se parent d’un léger voile de brume comme sur « Loneliest Heart ». À l'arrivée, un peu comme Natalie Prass, Molly Burch ne se cache pas derrière un héritage prestigieux, mais l'utilise à son avantage, dans un élan de pudeur et de simplicité qu'il sera bien difficile de critiquer, notamment vu la qualité d'une bonne partie des compositions présentes sur un Please Be Mine qui nous permet, pendant une quarantaine de minutes, d'oublier qu'on est en 2017. Et franchement, vu la tronche du monde qui nous entoure actuellement, ça fait un bien fou.

Le goût des autres :
7 Amaury