Paradisicac

Millionaire

Pias – 2005
par Jeff, le 21 octobre 2005
7

Il m’aura fallu énormément de temps pour me décider à entamer la rédaction de cette chronique et de nombreuses écoutes afin de surmonter la déception que me sembla initialement être ce nouvel album de Millionaire. Je m’explique : il y a environ trois ans de cela, le groupe avait fait souffler un vent de fraîcheur sur la scène alternative belge avec un album réussi et déroutant, à la fois remuant, agressif et sensuel. Depuis la sortie de Outside the Simian Flock, Tim Van Haemel, l’inépuisable pile électrique et tête pensante du groupe, a eu la chance de voir son talent reconnu hors des frontières de son plat pays et de pouvoir faire nombre de rencontres plus qu’intéressantes. Sa route a notamment croisé celle de Josh Homme lors d’une tournée avec les Queens of the Stone Age et ensuite au sein du projet Eagles of Death Metal. De cette rencontre est née une relation qui dépasse le stade de la simple collaboration puisque le nouveau pape du stoner a accepté de produire le très attendu nouvel album des Flamands.

En attirant Josh Homme dans ses filets, il ne faisait nul doute que l’homme allait exercer, directement ou indirectement, son influence sur le groupe et l’imprégner de nappes lourdes et d’ambiances pesantes et enfumées. De cette nouvelle direction artistique, on pouvait craindre le pire. Le groupe allait-il être capable de conserver ce grain de folie et ce caractère imprévisible qui le rendait si excitant ? Des craintes qui, justement, se confirmaient avec les premières prestations de Millionaire en prévision de la sortie de Paradisiac : des concerts maladroits où le groupe tentait tant bien que mal de se donner des airs d’incontrôlable rouleau compresseur. Fini les déhanchements subversifs et la finesse subtilement enrobée d’envolées brutales ; tout n’était plus que murs de guitares et avalanches de décibels et un morceau comme le tubesque « Come With You » se voyait injustement privé de sa classe initiale. Tim Van Haemel semblait bien décidé à prolonger le sillon « stoner » révélé lors de l’évènementielle reformation de son ancien groupe (un soir de 2004, Evil Superstars a joué l'entièreté de l'un des monuments du genre, le Sleep de Jerusalem) et entamé avec des morceaux comme « Champagne » sur le précédent opus.

Et ce ne sont pas les onze titres de ce Paradisiac déchaîné qui viendront nous prouver le contraire. Mais si cela peut vous rassurer, le résultat sur disque est lui plus enthousiasmant que les récentes prestations scéniques. Dès l’entame de l’excellent « I’m on a High » (un morceau co-écrit par Mauro Pawlowski, son ancien chef de file aujourd’hui acolyte de Tom Barman), le groupe affiche ses intentions : tout écraser sur son passage, quitte à abandonner la sophistication d’antan. On se trouve donc en présence d’un album qui ne tolère que de très courtes pauses. Les riffs sont puissants et secs (à l’image de l’oppressant « Streetlife Cherry »), la batteur s’acharne jusqu’à l’épuisement (« Wake Up the Children ») et la basse se fait l’écho de sombres résonances (« We Don’t Live There Anymore »). Il ne reste plus que cette voix magnifique, capable d’alterner les passages suaves et les délires aigus, un morceau déjanté (« Love is a Sickness ») et un autre plus calme (« Ballad of Pure Thought ») pour nous rappeller que c’est bien un album de Millionaire qu’on l’est en train de se prendre en pleine tronche.

A l’arrivée, le constat est plutôt paradoxal : Paradisiac est un album relativement décevant mais particulièrement inspiré, direct et regorgeant de riffs assassins qui feront le bonheur des nombreux fans des QOTSA. On regrettera simplement qu’il soit l’œuvre de Millionaire. On aurait préféré que le groupe laisse d’autres artistes s’exprimer dans un style qui laisse moins de place à ces délires et à cette folie incontrôlables auxquels le groupe nous avait habitués par le passé.

Le goût des autres :
6 Nicolas