Midwest Farmer’s Daughter

Margo Price

Third Man Records – 2016
par Jeff, le 30 mars 2016
8

Pas mal de scribouillards confrontés à The Epic, le mastodonte de Kamasi Washington, ont été bien emmerdés : une seule écoute suffisait pour comprendre que l’on tenait là un disque immense dans tous les sens du terme. Mais voilà le problème : malgré des accointances avec des icônes du cool telles Kendrick Lamar ou Flying Lotus, on tenait bien un disque de jazz, un genre au sujet duquel on a vite fait de balancer du poncif à la pelle, non sans oublier de citer quelques monuments dont on connaît au mieux l’un ou l’autre album culte.

Avec ce disque de Margo Price, country jusqu'au bout du Stetson, le postulat de base est identique : la plupart des chroniqueurs de la presse indé qui s’y frotteront auront découvert la demoiselle via son ‘parrain’ Jack White, au détour d’articles dans des publications pas vraiment estampillées country ou grâce à des prestations remarquées à des grandes messes incontournables style SXSW. 

Pourtant, croyez-nous : Margo Price n’a pas vraiment sa place sur ce terrain de jeu-là. Elle, son truc, ce sont les bars pouilleux, fréquentés par des cul-terreux amoureux de leur lopin de terre, de leur bouteille de bourbon, de leur Bible et de leur second amendement. Des bouges miteux qu’elle aura eu tout le loisir de fréquenter, puisque ça fait une grosse dizaine d’années que la singer-songwriter a quitté son Ohio natal pour essayer de percer à Nashville.

Vous l’aurez compris, il lui aura fallu un bon paquet de temps avant que les planètes commencent à s’aligner et que l’ex-White Stripes tombe sous son charme. En même temps, quand on sait que ce dernier produisait en 2004 un album de la légende de la country Loretta Lynn (l’excellent Van Lear Rose), on est à moitié surpris de voir débarquer une artiste country sur Third Man Records.

Vous l’aurez compris : poser un avis d’expert sur un disque qui remplit toutes les cases de la checklist de ‘La country pour les nuls’ relèverait vite de l’imposture pure et simple. Après, si il y a bien un genre qui parle à l’imaginaire, c’est la country. Alors ici, plutôt que de perdre des heures à essayer de trouver des choses intelligentes au sujet de Midwest Farmer’s Daughter, on a tout le loisir de se laisser happer par le storytelling plein de réalisme de Margo Price et de succomber à une écriture évidemment empreinte de classicisme, mais tout sauf poussiéreuse.

Grâce à son élégance naturelle, l’Américaine parvient à être pertinente et bien ancrée dans son époque. Elle ne doit probablement pas être la seule à le faire, mais on ne remerciera jamais assez Jack White d’avoir balancé sous les projecteurs une artiste à qui l’on n’aurait autrement pas accordé le moindre temps de cerveau. Et puis n’oublions jamais que le temps qu’il consacre à faire de Margo Price une star est du temps qu’il ne passe pas à nous les briser avec The Dead Weather.