Manual For Successful Rioting

Birdy Nam Nam

Sony BMG – 2009
par Jeff, le 2 mars 2009
7

Avant de rentrer dans le vif du sujet, une chose est d'ores et déjà acquise: ce disque de Birdy Nam Nam va faire parler de lui. Et comme tous les disques qui font l'objet de débats acharnés, deux camps aux points de vue radicalement opposés vont s'opposer à coups d'arguments tantôt justifiés, tantôt péremptoires. Mais revenons d'abord quelques années en arrière: en 2002, Need, Little Mike, Crazy B (DJ de Triptik et Svinkels) et DJ Pone (d’Alliance Ethnik) remportent avec brio les championnats du monde DMC par équipe, qui sont au turntablism ce qu'est un steak frites pour un candidat en finale de Koh Lanta - le nec plus ultra. S'en suit alors un premier album éponyme paru en 2005 et alliant la technique hip hop à une large palette de genres. La critique s'enflamme, à l'instar d'un public nombreux qui tombe rapidement sous le charme d'un groupe qui n'a pas son pareil pour mettre le feu à chacune de ses prestations. Quand on y réfléchit bien; Birdy Nam Nam était à l'époque un groupe pratiquant une musique plutôt unique et difficilement 'étiquettable'.

Évidemment, au cours des ses innombrables pérégrinations scéniques, le groupe a été amené à croiser la route de bien du monde, et à l'écoute de Manual For A Successful Rioting, on se dit que ces nombreuses rencontres ont été déterminantes dans l'évolution d'un groupe qui présente aujourd'hui un tout nouveau visage. Évidemment, quand je vais vous dire que ces rencontres ont pour nom Justice ou Yuksek, certains de nos lecteurs risquent de déchanter, voire de crier au scandale. D'autres, plus habitués aux soirées estampillées fluofrenchtouch2.0, se frottent déjà les mains à l'annonce d'un tel revirement. Et on en revient au début de ma chronique.

Quand on a connu le Birdy Nam Nam des débuts, la pilule est évidemment difficile à avaler. On se demande comment un groupe qui était alors unique dans un paysage musical français déjà pas bien bigarré a pu décider de s'engouffrer tête la première dans une brèche qui commence déjà à charrier son lot de déchets malodorants. Car malgré une entrée en matière plutôt finaude qui laisse augurer de bien belles choses (les ostensiblement kraftwerkiens "Red Dawn Rising" et "Trans Boulogne Express"), le quatuor a par après un peu trop tendance à avoir recours à ces effets de manche mille fois entendus - la 'vocoderisation daft punkisante' et les filtres grossiers à la Boys Noize en étant les illustrations les plus flagrantes.

Il y a deux ans, à défaut de crier au génie, on aurait au moins pu parler d'un vent de fraîcheur soufflant sur l'électro française. Aujourd'hui, à moins d'être un fan hardcore de la mouvance, ce genre de flagorneries se déguste avec modération. Et c'est peut-être ce qui sauve Birdy Nam Nam du naufrage: les moments de bravoure fluorescente sont entrecoupés de passage où le groupe reprend ses esprits et nous démontre qu'à huit mains, il est capable de façonner des morceaux aux strates multiples et taillés sur mesure pour emmener son public vers une transe assurée. Et puis, on se doit quand même de féliciter Yuksek qui se fend d'une production aux petits oignons, cohérente et énergique à souhait, ne laissant la place qu'à Justice pour un « The Parachute Ending » pas bien folichon clôturant l'album et dont la paternité saute aux yeux. Victime d'un phénomène assez puissant pour emmener le groupe dans sa chute, Birdy Nam Nam accouche avec Manual For A Successful Rioting d'un disque bien dans l'air du temps, mais qu'on aura (trop) vite fait d'oublier. Plutôt regrettable quand on attendait des Français une œuvre un peu plus originale et définitive.

Le goût des autres :
5 Simon 8 Soul Brotha 7 Julien Gas