IRÉ

Combo Chimbita

ANTI- – 2022
par Jeff, le 25 février 2022
7

Ce 18 mars, Rosalía sortira son troisième album Motomami et tout à coup, la place disponible dans nos cerveaux pour tout ce qui est « hispanisant » va être colonisée par la Catalane, devenue en l’espace d’un album seulement l’une des plus grandes stars de la planète - l’échelle de Séguéla est formelle, si a 30 ans t’es pote avec Kylie Jenner, t’as réussi ta vie. Vous l'aurez compris : si d’autres formations occupent ce créneau où la langue de Cervantes est reine, c’est le moment où jamais pour essayer d’exister.

Raison pour laquelle on se dépêche de porter à votre attention l’existence de IRÉ, troisième album du Combo Chimbita. Basé à New York, ce groupe revendique fièrement des racines colombiennes, et un amour pour la cumbia, qu’il passe volontiers à la moulinette psychédélique. Car oui, vers la fin des années 1960 la cumbia a été psychédélique : cette tendance est née dans les villes côtières de Colombie, du Pérou et du Mexique, où, sous l'influence de la culture psyché US, des expérimentations ont été entreprises par toute une série de formations, et couronnées de succès quand elles étaient l’œuvre de groupes aussi inspirés que Los Mirlos par exemple

Sauf que la musique produite aujourd’hui par le Combo Chimbita n’a rien à voir avec ce qui se faisait à quelques milliers de kilomètres au sud de la Big Apple il y a bientôt 50 ans. C’est même tout le contraire, puisqu’elle étreint l’air du temps avec une intelligence remarquable. En ce sens, IRÉ est moins un disque qui évoque l’Amérique latine qu’une œuvre qui envoie aux hybridations que seule une ville comme New York est capable de produire. Ainsi, si le Combo Chimbita revendique un héritage cumbia, celui-ci apparaît plutôt à l’arrière-plan d’une musique qui pioche dans le punk, le rock psychédélique, le punk, le dub ou encore le reggae – et forcément, à ce moment bien précis, on a très envie de parler de « world music ».

Cette aisance à tenter des associations que l’on pensait contre-nature, elle est rendue possible par une volonté évidente de ne pas avoir peur du plantage, par la prestation protéiforme de la chanteuse Carolina Oliveros, et par une énergie tellement folle qu’elle en devient vite contagieuse – difficile d’opposer une quelconque résistance face à un des morceaux comme « Babalawohttps://combochimbita.bandcamp.com/track/babalawo-2 » ou « Mujer Jaguar ». Et quand le groupe ralentit la cadence, il est également convaincant, se rapprochant à plusieurs reprises des moments de grâce suspendue dont sont capables les Texans de Khruangbin (« Indiferencia »). Rien que ça. Très clairement, si vous avez en horreur les montagnes russes et les patchworks, passez votre chemin. Pour les autres, laissez-vous tentez par une proposition musicale aussi intrigante que captivante.    

Le goût des autres :