Heligoland

Massive Attack

EMI – 2010
par Jeff, le 25 février 2010
5

Si Portishead l'a fait, pourquoi pas nous? C'est peut-être ce que se sont demandés 3D et Daddy G lorsqu'ils ont pris la décision de se lancer dans l'écriture d'un nouvel album de Massive Attack. Il faut dire qu'avec le monumental Third, la bande à Beth Gibbons avait signé un retour fracassant sur le devant de la scène, après un hiatus long de onze années. Massive Attack eux, ont tenu à maintenir une certaine visibilité, ce qui n'était pas forcément une riche idée : entre les dates de concert aussi bof que best of et un 100th Window chiant comme la pluie (qui n'était par ailleurs pas un album du groupe à proprement parler puisque pondu par le seul 3D), la franchise Massive Attack n'a pas ménagé ses efforts pour réduire à néant le peu de capital sympathie qu'il nous restait pour une mouvance qui, en 2010, a pris un sacré coup de vieux, balayée d'un revers de wobble par le dubstep.

Mais là où Portishead a fait entrer le trip hop dans le 21e siècle en lui foutant une belle torgnole kraut rock, Massive Attack a de son côté préféré jouer la carte de sécurité (ou ne faudrait-il pas parler de frilosité?) en jouant sur ses acquis, quitte à nous laisser penser que ce disque aurait tout aussi bien pu sortir un ou deux après le carton Mezzanine. En effet, difficile à l'écoute de ce Heligoland à la carte de visite plutôt impressionnante et réalisé à quatre mains (Andrew « Mushroom » Wolves a quitté le groupe en 1998) de se dire que 3D et Daddy G ont pris le temps (et dieu sait si ils en ont eu) de regarder un peu plus loin que le bout de leur nez et de leur discographie. Véritable ode aux années 90, Heligoland est moins un album qu'un manuel à l'attention de celles et ceux qui pourraient avoir envie de pondre un disque de trip hop, avec toute la froideur et la rigeur un peu chiante que suppose un tel exercice. On savait le trip hop caractérisé par son éminente froideur, mais on lui trouvait parfois cette âme et cette humanité qui ont permis à quelques disques de s'élever au dessus de la masse et d'écriture une petite page de l'histoire musicale récente.

Forcément, vu la sombre bouse qu'était 100th Window, vu la plan promotionnel en béton armé échafaudé par la maison de disque du crew de Bristol et vu la flopée de guests plus prestigieux les uns que les autres (Tunde Adebimpe de TV on the Radio, Guy Garvey d'Elbow, Damon Albarn ou Hope Sandoval), il est très facile de tomber dans le piège d'un Heligoland qui tente désespérément de faire vibrer notre fibre nostalgique. Pourtant, les écoutes se succèdent, et hormis quelques notables exceptions (le final technoïde d' « Atlas Air » ou « Girl I Like You », sorte de remake de « Angel », toujours avec le camarade Horace Andy), il semble bien difficile de briser l'épaisse couche de glace qui entoure ce cinquième album studio de Massive Attack, dont la production soignée à l'excès et les contours scolaires devraient calment les ardeurs de ceux qui s'attendaient au retour en grâce du duo bristolien...

Le goût des autres :
6 Julien 5 Julien Gas 7 Laurent 6 Maxime