Headworms

Uzi & Ari

Own Records – 2008
par Jeff, le 5 février 2009
8

Uzi & Ari n'est pas l'affaire d'un duo, mais bien d'un seul homme. En effet, derrière ce pseudonyme intrigant (il s'agit en fait des noms des enfants de Ben Stiller dans The Royal Tennenbaums) se cache en fait Ben Shepard, un musicien de Salt Lake City qui, depuis trois albums (ce Headworms y compris), trace les contours d'un univers mélangeant folk, rock et electronica dans des ambiances sophistiquées qui ne sont pas sans évoquer la musique de Sigur Rós, The National et surtout Radiohead. Cette comparaison avec le groupe d'Oxford, Uzi & Ari la traîne depuis ses débuts. Il faut dire que la voix aussi plaintive que touchante de Ben Shepard n'est pas étrangère à ce parallèle qui a plus que probablement joué un rôle dans le succès d'estime engrangé par Uzi & Ari ces dernières années. Car s'ils sont nombreux à prétendre à la couronne vissée sur la tête de Thom Yorke, rares sont ceux qui sont capables d'être à la hauteur des comparaisons jetées en pâture aux amateurs d'un rock complexe et à fleur de peau. Cependant, comme c'était déjà le cas sur son précédent effort, It's Freezing Out, Uzi & Ari se montre capable de digérer ces influences (on pense notamment au Radiohead d'Amnesiac ou Kid A) pour accoucher d'une musique qui va au-delà du copier/coller honteux.

Toujours signé chez Own Records, recommandable label luxembourgeois au catalogue privilégiant la qualité à la quantité (il abrite notamment les post-rockeurs mélancoliques de Gregor Samsa ou les mathrockers furieux de 31 Knots), Uzi & Ari continue ainsi un travail d'orfèvre entamé en 2003 et dont le processus de maturation porte à de nombreuses reprises ses fruits sur cette nouvelle réalisation. Emplies d'une mélancolie jamais forcée et habilement contrebalancées par des incursions dans des territoires plus austères comme le post-rock, les compositions présentes sur Headworms ne dévoilent leurs charmes qu'au fil des écoutes successives, tant la superposition de strates qui les caractérise empêche le coup de foudre instantané. Mais à une époque où la « fast music » règne en maître, les écoutes successives et attentives de Headworms s'imposent et nous ouvrent les portes d'un univers qui se plaît à jouer entre clair et obscur, entre tension et décontraction, entre joie et mélancolie. Spécialiste des arrangements en tous genres (cuivres, cordes, harpe ou l'apport très à-propos de voix féminines) et d'une écriture tout en finesse, Ben Shepard s'impose au fil des albums comme un songwriter de talent qui gagne à être (plus) connu. Quant à Headworms, il gagne clairement à être acheté.

Le goût des autres :
7 Fabien