DJ-Kicks

Deetron

!K7 – 2018
par Jeff, le 12 avril 2018
7

Pierre angulaire de sa politique intérieure comme extérieure, le concept de neutralité est défendu bec et ongles par la Suisse. Cette doctrine, qui consiste pour rappel à ne pas aller mettre les mains dans le cambouis quand ça sent un peu trop l'entourloupe, elle donne de l'eau au moulin des détracteurs de la culture helvétique souvent jugée tiède et inexistante aux yeux de l'Européen lamba qui a du mal à citer trois artistes suisses qui ne sont ni Stéphan Eicher, ni Henri Dès, ni Quentin Moisiman. Cette neutralité, on la retrouve d'une certaine manière dans l'approche de Deetron, DJ et producteur zurichois devenu avec les années une valeur sûre de la scène tech-house. Une valeur sûre certes, mais pas non plus le genre de mec qui aime faire bouger les lignes ou plaider de façon aventureuse la cause d'une musique électronique que la starification de ses meilleurs DJ's a poussé dans les bras de la frilosité et de l'immobilisme. C'est plutôt en combinant discrétion, curation pointilleuse et technique supérieure à la moyenne que le Suisse est devenu ce "go-to-guy" de choix, capable de se mettre un club dans la poche avec des sets dont on n'ira pas chercher l'efficacité dans le choix de certains titres (trop) évidents, mais plutôt dans la manière de considérer le mix comme un véritable exercice de storytelling

C'est ce qu'il avait déjà fait dans des sélections officielles pour le Fuse, Balance ou la Fabric, et c'est ce qu'il fait encore avec ce DJ-Kicks. Bien que cette série soit souvent la possibilité pour un DJ ou producteur d'aller vers quelque chose de différent, Deetron préfère ne pas trop se mouiller et rester dans sa zone de comfort: partant d'une sélection qui ne manque pas de chouettes noms pour attirer le chaland (Carl Craig, DJ Koze, Floorplan, Ron Trent & Chez Damier), il s'amuse aussi à sortir de sa manche l'une ou l'autre arme secrète qui nous replonge dans son mix à des moments où notre attention commençait peut-être à retomber - le remix ravey du "Children of the E" de Radio Slave par KiNK est redoutable, comme la relecture décalée du "Bissau" de Francis Bebey par le trop discret Pilooski. Mais le véritable tour de force de ce DJ-Kicks, on le doit à la manière qu'à Deetron de brouiller pas mal de pistes et de faire passer pour extrêmement simple quelque chose qui ne l'est pas: jouer très finement sur les ambiances et caler une petite quarantaine de titres en 78 minutes de mix sans que cela passe pour de l'esbroufe, ou que ce soit tout simplement insupportable. Non, ce gars-là a bien trop d'expérience et de technique pour tomber dans le piège de la démonstration stérile. On pourra lui opposer une certaine frilosité, mais le fait est que rien sur ce DJ-Kicks ne peut être attaqué ou descendu en flèche. Une neutralité élevée au rang d'art qui est à la fois la force et la faiblesse de Deetron et de son mix.

Le goût des autres :