Disco & Boogie from Brazil vol. 1
Horse Meat Disco presents

En 2010, dans un documentaire intitulé De Jean-Claude à Van Damme, le Bruxellois troquait son costume de distributeur de bourre-pifs pour celui d’apprenti prophète : « Moi, j’adore l’eau, mais dans 20 ou 30 ans, il n’y en aura plus. » Si la problématique de la disponibilité de l’eau est plus aiguë que jamais en 2025, on peut raisonnablement penser que les dix prochaines années invalideront sa théorie. Par contre, si JCVD avait remplacé ‘eau’ par ‘curateur’, il aurait été dans le bon.
C’est le SNEP, le Syndicat National de l'Edition Phonographique, qui l’a révélé : pour la première fois en France, le streaming a détrôné la radio comme premier mode d’écoute de la musique, toutes générations confondues. Autrement dit, une majorité de Français·es a cédé à l’illusion de l’offre musicale illimitée – en réalité torpillée par un algorithme qui a pour seul et unique but de nous faire découvrir de nouvelles choses certes, mais dans le confort de nos certitudes. Donc à moins d’un revirement spectaculaire, la curation est une activité qui n’a plus vocation à être effectuée par un être humain – ou par une poignée d’élus, tout au plus.
On se demande de fait s’il y aura encore de la place pour une compilation comme celle-ci, qui a mis 13 longues années à se concrétiser et qui trouve son origine dans un voyage au Brésil en 2003 effectué par Luke Howard du collectif de DJ londoniens Horse Meat Disco, marquant le début de son histoire d’amour pour le pays et sa musique. Neuf ans plus tard, Luke Howard est invité au QG du formidable label Mr. Bongo à Brighton pour une session d'écoute de ses morceaux brésiliens préférés. Ce jour-là, l’idée d’une compilation se fait jour, mais de nombreux retards dans l'obtention des licences et la sortie d'autres compilations estampillées HMD (de grâce, écoutez leur contribution à la série Back to Mine) ont fait que le projet est resté dans les cartons pendant de longues années.
À dire vrai, cette chronique se veut moins l’éloge de son contenu que de l’acte qui préside à son élaboration. Car avant même d’appuyer sur play, vu le label et vu le curateur, on n’a jamais eu le moindre doute sur la qualité exceptionnelle de la came. Invoquant tous les mots magiques qui attirent l’amateur de ce genre de compilations (« rare groove »… « disco »… « boogie »… « aor »), convoquant un esprit de la fête indissociable de la doxa carioca (et du travail de Horse Meat Disco), Horse Meat Disco Presents Disco & Boogie from Brazil vol. 1 ne perd pas un instant pour atteindre son objectif : enfiler les perles avec un soin remarquable et une aisance qui ne doit pas nous faire oublier le méticuleux travail de curation effectué par Luke Howard.
Bien évidemment, à la lecture du tracklisting, on peut faire illusion auprès du commun des mortels en dissertant sur l’importance de la paire Robson Jorge / Lincoln Olivetti pour la musique brésilienne des années 80, ou encore en claironnant combien Jorgé Ben Jor doit être découvert de toute urgence. La vérité, c’est qu’on ne peut prétendre y connaitre quoi que ce soit au disco et au boogie brésiliens à moins d’en avoir fait son métier. Alors on arrête un instant de se prendre pour ce que l’on n’est pas, et on se laisse masser la nuque par ces titres qui, non contents d’exister individuellement, ont été aussi compilés pour la plupart dans un mix qui fait véritablement honneur au travail de Luke Howard.